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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

un extrait dit par Didier Sandre, hier au parc floral de Vincennes; a funny excerpt about music, Chopin, and snobism

Publié le 13 Août 2012 par laurence grenier

C'est quand il était drôle (et excellent) que le récitant eut le plus de succès:

 

Quant à la douairière, je crus qu’elle allait poser sur ma joue ses lèvres moustachues. « Comment, vous aimez Chopin ? Il aime Chopin, il aime Chopin », s’écria-t-elle dans un nasonnement passionné ; elle aurait dit : « Comment, vous connaissez aussi Mme de Franquetot ? » avec cette différence que mes relations avec Mme de Franquetot lui eussent été profondément indifférentes, tandis que ma connaissance de Chopin la jeta dans une sorte de délire artistique. L’hyper-sécrétion salivaire ne suffit plus. N’ayant même pas essayé de comprendre le rôle de Debussy dans la réinvention de Chopin, elle sentit seulement que mon jugement était favorable. L’enthousiasme musical la saisit. « Élodie ! Élodie ! il aime Chopin » ; ses seins se soulevèrent et elle battit l’air de ses bras. « Ah ! j’avais bien senti que vous étiez musicien, s’écria-t-elle. Je comprends, hhartiste comme vous êtes, que vous aimiez cela. C’est si beau !» Et sa voix était aussi caillouteuse que si, pour m’exprimer son ardeur pour Chopin, elle eût, imitant Démosthène, rempli sa bouche avec tous les galets de la plage. Enfin le reflux vint, atteignant jusqu’à la voilette qu’elle n’eut pas le temps de mettre à l’abri et qui fut transpercée, enfin la marquise essuya avec son mouchoir brodé la bave d’écume dont le souvenir de Chopin venait de tremper ses moustaches. 

Sodome et Gomorrhe II

As for the dowager, I thought that she was going to press her hirsute lips to my cheek. “What, you like Chopin? He likes Chopin, he likes Chopin,” she cried with a nasal trumpet-tone of passion; she might have been saying: “What, you know Mme. de Franquetot too?” with this difference, that my relations with Mme. de Franquetot would have left her completely indifferent, whereas my knowledge of Chopin plunged her in a sort of artistic delirium. Her salivary super-secretion no longer sufficed. Not having attempted even to understand the part played by Debussy in the rediscovery of Chopin, she felt only that my judgment of him was favourable. Her musical enthusiasm overpowered her. “Elodie! Elodie! He likes Chopin!” her bosom rose and she beat the air with her arms. “Ah! I knew at once that you were a musician,” she cried. “I can quite understand an artist such as you are liking him. He’s so lovely!” And her voice was as pebbly as if, to express her ardour for Chopin, she had copied Demosthenes and filled her mouth with all the shingle on the beach. Then came the turn of the tide, reaching as far as her veil which she had not time to lift out of harm’s way and which was flooded; and lastly the Marquise wiped away with her embroidered handkerchief the tidemark of foam in which the memory of Chopin had steeped her moustaches.                                                                                                                        Cities of the Plain II

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