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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

du sommeil et des cauchemars; of sleep and nightmares

Publié le 12 Août 2012 par laurence grenier

Un cauchemar m'a frappée ce matin, rien de spécial pourtant, l'égocentrisme de mon ex, l'indifférence des enfants, le plaisir des terrasses de cafés parisiens, le tout baigné dans une atmosphère très sombre... enfin j'étais bien contente de me réveiller collée contre Jules....

 

et j’entrais dans le sommeil, lequel est comme un second appartement que nous aurions et où, délaissant le nôtre, nous serions allé dormir. Il a des sonneries à lui, et nous y sommes quelquefois violemment réveillés par un bruit de timbre, parfaitement entendu de nos oreilles, quand pourtant personne n’a sonné. Il a ses domestiques, ses visiteurs particuliers qui viennent nous chercher pour sortir, de sorte que nous sommes prêts à nous lever quand force nous est de constater, par notre presque immédiate transmigration dans l’autre appartement, celui de la veille, que la chambre est vide, que personne n’est venu. La race qui l’habite, comme celle des premiers humains, est androgyne. Un homme y apparaît au bout d’un instant sous l’aspect d’une femme. Les choses y ont une aptitude à devenir des hommes, les hommes des amis et des ennemis. Le temps qui s’écoule pour le dormeur, durant ces sommeils-là, est absolument différent du temps dans lequel s’accomplit la vie de l’homme réveillé. Tantôt son cours est beaucoup plus rapide, un quart d’heure semble une journée; quelquefois beaucoup plus long, on croit n’avoir fait qu’un léger somme, on a dormi tout le jour. Alors, sur le char du sommeil, on descend dans des profondeurs où le souvenir ne peut plus le rejoindre et en deçà desquelles l’esprit a été obligé de rebrousser chemin.

Sodome et Gomorrhe, III

 

This morning a vivid nightmare, however nothing special, my ex husband's egocentrism, the children's detachment, parisian cafes' terraces, the whole thing bathing in a very somber atmosphere... I was delighted to wake up  pressed against Jules...

 

and I entered a state of slumber which is like a second room that we take, into which, leaving our own room, we go when we want to sleep. It has noises of its own and we are sometimes violently awakened by the sound of a bell, perfectly heard by our ears, although nobody has rung. It has its servants, its special visitors who call to take us out so that we are ready to get up when we are compelled to realise, by our almost immediate transmigration into the other room, the room of overnight, that it is empty, that nobody has called.

The race that inhabits it is, like that of our first human ancestors, androgynous. A man in it appears a moment later in the form of a woman. Things in it show a tendency to turn into men, men into friends and enemies. The time that elapses for the sleeper, during these spells of slumber, is absolutely different from the time in which the life of the waking man is passed. Sometimes its course is far more rapid, a quarter of an hour seems a day, at other times far longer, we think we have taken only a short nap, when we have slept through the day. Then, in the chariot of sleep, we descend into depths in which memory can no longer overtake it, and on the brink of which the mind has been obliged to retrace its steps.

Cities of the Plain, III

 

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