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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

J'ai gagné !

Publié le 14 Mai 2020 par proust pour tous

1er prix dans la catégorie professionnelle: LAURENCE GRENIER

 

J'avoue que l'idée de toucher 500 € pour pondre un texte m'a beaucoup motivée. Et maintenant que j'ai gagné, je sens une fierté m'envahir, c'est bête ! et ça me pousse à redoubler d'efforts dans ma rédaction de "Le mystère du petit pan de mur jaune", dans lequel j'insère mon pastiche, que voilà:

UN MERCREDI ARTISTIQUE

- Ah, Cottard, c’est Madame Verdurin. Je vous téléphone pour une nouvelle extraordinaire : mercredi prochain, pas de mercredi chez moi. Notre petit clan se réunira à l’entrée du Musée du Jeu de Paume. Vous avez lu le journal ? Bergotte est mort, il s’est écroulé sur un canapé en face du tableau de Vermeer « Vue de Delft ». Je ne veux pas être méchante, mais la fréquentation du salon d’Odette ne lui a pas fait de bien ; il parait qu’il est mort d’une indigestion en sortant de chez elle. Ce n’est pas chez moi qu’il se serait gavé de pommes de terre. – Une indigestion ? ne serait-ce pas plutôt une intoxication alimentaire ? A-t-il eu un lavage d’estomac ? dans mon service c’est une chose courante comme l’eau dont on se sert pour siphonner l’estomac. C’est égal, mais au moins sa mort nous aura donné l’occasion d’aller voir de près le tableau !  --Très bien, reprit Madame Verdurin, je préviens nos amis : rendez-vous demain à 17 h au musée.

C’est ainsi que, quelques jours plus tard, l’on vit arriver une troupe bruyante dirigée par Madame Verdurin, au côté de laquelle Brichot brandissait son parapluie vert, un signe de ralliement que les soldats japonais du Moyen Age, porteurs dans le dos de petites bannières colorées n’eussent pas désapprouvé. Suivaient, un air de mépris à la bouche, une grosse Madame de Cambremer avec un homme en noir, son époux, le nez rouge tout de travers, Ski, un petit homme portant béret basque, le Professeur Cottard et sa femme, Monsieur Verdurin, la pipe à la bouche, suivi du baron de Charlus, se dandinant, qui prenait le bras du violoniste Morel, qui lui-même se dégageait autant qu’il le pouvait de cette étreinte révélatrice. Fermaient la marche Marcel, arrivé presqu’en retard à cause d’un rendez-vous avec sa cousine, la princesse Sherbatoff, et Saniette tout essoufflé.  

               Une fois devant le tableau, Mme Verdurin, entourée de sa troupe, annonça qu’elle avait lu dans Le Figaro, qu’en mourant, Bergotte avait bredouillé « petit pan de mur jaune », l’index pointé sur le tableau.  Elle avait voulu élucider ce point car elle avait une réputation grandissante de protectrice des arts et tous ses fidèles « en étaient », en particulier le baron de Charlus qui était plutôt « d’artiste » que » d’art », d’où la présence pour cette visite inhabituelle du violoniste Morel interprète très doué qui répondait aux compliments excessifs de son « parrain » Charlus, très épris de sa beauté, par « Je connais la musique. »

Devant le tableau, Marcel s’exclama : « Magnifique, je pense que c’est le plus beau tableau du monde! Mais je ne vois pas de pan de mur jaune », et il s’approcha de la toile, repéra deux petites taches jaunes : « serait-ce ceci, ou cela dont Bergotte voulait parler ? ou n’est-ce pas une dernière farce du grand romancier, qui, à sa dernière heure a trouvé la vérité non pas dans les cathédrales si liées au lyrisme de sa jeunesse, mais dans un détail de maçonnerie ? » Ski, dont le visage poupin tourna au rose rougeoyant, répondit vivement que tout était dans la couleur, « - le jaune, voici ce qui compte, ce jaune brillant et translucide comme celui d’un Sauternes que les Verdurin nous serviront avec un foie gras pour notre prochain mercredi, au lieu de la galantine que la patronne offre à notre ami Saniette pour son casse-croûte, n’est-ce pas Saniette que vous préféreriez le foie gras à la galantine ? » Saniette ne répondit pas tandis que riaient (jaune) les Verdurin, et il s’approcha de l’un des pans de mur possibles sur la toile : ce n’est pas un pan ! et pourquoi donc ? l’interrompit Mme Verdurin - Parce que je ne vois pas de soldats défiler – et alors ? – eh bien ce sont eux qui feraient pan, patapan, pan, patapan, pan pan. répondit Saniette dans un souffle – c’est malin dit M. Verdurin, vous êtes devenu militariste ?

 Mme de Cambremer eut une illumination : - Mais ce mur jaune, ce n’est pas de la pierre ni du ciment, on dirait du tissu, un tissu chatoyant comme celui des rideaux de notre château de Féterne, n’est-ce pas mon ami ? (se tournant vers Cancan). - Jaune ? jaune d’or comme celui des œufs de la Poule aux œufs d’or ? (faisant référence à l’une des trois fables de La Fontaine qu’il connaissait et qui lui servaient de base de données à ses citations littéraires).

Brichot intervint : - Vous n’y êtes pas, si Bergotte pointa du doigt ce petit pan de mur jaune inconnu c’était pour nous livrer un message, un message dont le décodage doit passer par son étymologie : pan vient du latin panus, pane, panum, qui désigne un champignon. - un champig non… de dieu ! s’écria Cottard, mais vous faites fausse route, le panus est une espèce de tumeur métastasée très contagieuse qui décima la population hollandaise du 17 ème siècle ! - Eureka, nous brûlons ! renchérit Brichot tandis que Cottard ne put s’empêcher de dire : - comme aurait dit Jeanne d’Arc. – Excusez-moi interrompit Charlus qui mit son lorgnon pour s’approcher de la plus grosse tache jaune : ce détail est essentiel, je le sais d’autant mieux qu’un de mes aïeux, un Guermantes intime de Louis XIV, était secrètement allié aux princes d’Orange Nassau, à une époque où le jaune soufre était attribué à la minorité catholique aux Pays Bas, en fait à une minorité de mœurs ! Ce petit pan de mur jaune est donc un message secret de Vermeer à ceux de la confrérie ! - Vlaiment ? s’écria la princesse Sherbatoff, c’est tout à fait extraordinaile, étonnant, intellessant !

La très réservée Madame Cottard sortit de son silence : - Si je comprends bien, Bergotte est mort l’index pointé vers un mystère (« et boule de gomme » marmonna le docteur), et les mystères en peinture ça fait parler (vous souvenez-vous du portrait de Machard ?).

La Patronne, rayonnante, conclut : - Pour nous résumer, ce gredin de Bergotte non seulement a trouvé  le moyen de faire parler de lui, de Vermeer, de notre petit noyau, et à nous faire entrer dans la postérité, mais surtout, à titre posthume, il a pu repousser un de mes mercredis ! et elle enfouit soudainement sa tête dans les mains,  prise d’une gaieté irrépressible.

 

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L
Bravo, brava, bravissima, chère Laurence ! Vous n'avez pas glissé sur la facile (et fatale) pente des pasticheurs de bonne volonté, recycler, vous avez ajouté... Ajouté une scène crédible et comique au grand Théâtre de la Recherche, à nouveau un grand merci à vous, inimitable Laurence.
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C
Génial...quelle connaissance profonde des particularismes intimes de chaque personnage de la recherche.<br /> Bravo, j’ ai bien ri ce dimanche matin.<br /> Catherine
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P
Bravo Laurence !<br /> Un premier prix mérité.<br /> <br /> Ph. Morel
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