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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

"T'as de beaux yeux tu sais"; "don't you know that your eyes are gorgeous?"

Publié le 10 Mars 2014 par proust pour tous

"T'as de beaux yeux tu sais"; "don't you know that your eyes are gorgeous?"

Hier un homme très courtois a mentionné mes beaux yeux, et je me suis rappelée le jour où pour la première fois, j'avais 22 ans, je dansai avec Jean-Jean, qui, plongeant malicieusement son regard dans mon décolleté, avait pris la voix de Jean Gabin s'adressant à Michèle Morgan dans Quai des brumes.

Dans l’ordinaire de la vie, les yeux de la duchesse de Guermantes étaient distraits et un peu mélancoliques, elle les faisait briller seulement d’une flamme spirituelle chaque fois qu’elle avait à dire bonjour à quelque ami; absolument comme si celui-ci avait été quelque mot d’esprit, quelque trait charmant, quelque régal pour délicats dont la dégustation a mis une expression de finesse et de joie sur le visage du connaisseur. Mais pour les grandes soirées, comme elle avait trop de bonjours à dire, elle trouvait qu’il eût été fatigant, après chacun d’eux, d’éteindre à chaque fois la lumière. Tel un gourmet de littérature, allant au théâtre voir une nouveauté d’un des maîtres de la scène, témoigne sa certitude de ne pas passer une mauvaise soirée en ayant déjà, tandis qu’il remet ses affaires à l’ouvreuse, sa lèvre ajustée pour un sourire sagace, son regard avivé pour une approbation malicieuse; ainsi c’était dès son arrivée que la duchesse allumait pour toute la soirée. Et tandis qu’elle donnait son manteau du soir, d’un magnifique rouge Tiepolo, lequel laissa voir un véritable carcan de rubis qui enfermait son cou, après avoir jeté sur sa robe ce dernier regard rapide, minutieux et complet de couturière qui est celui d’une femme du monde, Oriane s’assura du scintillement de ses yeux non moins que de ses autres bijoux. Sodome et Gomorrhe, II, I

Yesterday a very courteous man mentioned my beautiful eyes. It reminded me of my first dance with Jean-Jean - I was 22 - when he playfully looked in my decollete and said, with a voice mimicking Jean Gabin to Michèle Morgan: in Quai des Brumes "T'as de beaux yeux tu sais."

In the ordinary course of life, the eyes of the Duchesse de Guermantes were abstracted and slightly melancholy; she made them sparkle with a flame of wit only when she had to say how-d'ye-do to a friend, precisely as though the said friend had been some witty remark, some charming touch, some tidbit fore delicate palates, the sampling of which has brought an expression of refined delight to the face of the connoisseur. But at big receptions, as she had too many greetings to bestow, she decided that it would be tiring to switch off the light after each. Just as a literary enthusiast, when he goes to the theater to see a new play by one of the masters of the stage, testifies to his certainties that he is not going to spend a dull evening by having, while he hands his hat and coat to the attendant, his lip adjusted in readiness for a sapient smile, his eyes kindled for knowing approval, similarly it was from the very moment of her arrival that the Duchess lit up for the whole evening. And while she was handing over her evening cloak, of a magnificient Tiepolo red, exposing a huge collar of rubies around her neck, having cast over her dress that final rapid, meticulous and exhaustive dressmaker's glance which is also that of a woman of the world, Oriane made sure that her eyes were sparkling no less brightly than her other jewels. Cities of the Plain II, I
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