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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Première scène, ESSENTIELLE, de LE PLUS BEAU TABLEAU DU MONDE: son éclairage

Publié le 2 Mai 2024 par proust pour tous

 

J'avais été très sensible à l'exposé que nous avait fait Erwan, éclairagiste renommé d'expositions artistiques, et le mettre en scène au début de Le plus beau tableau du monde, récit tournant autour d'une exposition de Vermeer m'avait paru non seulement pertinent, mais malin!

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Musée, exposition hollandaise, grande salle

Erwan, éclairagiste. Un autre éclairagiste

  • Attention, attention, plus à gauche, relève légèrement à droite ! Bien ! Maintenant, dis-moi si l’éclairage est bon ! Un peu plus fort ? Et l’angle du faisceau est-il correct ? Tu devrais le maintenir à 30°, on veut un effet naturel, et cette lumière éclairera de façon uniforme le tableau qui n’est pas bien grand. Au fait quelle est sa taille exacte ?
  • 96,5 cm de haut sur 111,7 de large, ce qui fait 131,5 x 150,7 avec le cadre.
  • J’avais un moment pensé renforcer l’intensité du faisceau sur le petit pan de mur jaune mais finalement, non. ça donnerait pourtant une sacrée luminosité sur la droite du tableau.
  • Pas besoin. La lumière blanche uniforme, c’est parfait. Est-ce dû à ce que la lumière blanche est faite de lumière bleue avec phosphore jaune ? bleu jaune blanc : la palette de Vermeer.

Après une courte pause :

  • Ce n’est pas étonnant que ce jaune se remarque, Vermeer est bien un peintre de la lumière, dit Erwan, chef éclairagiste qui connaissait bien A la recherche du temps perdu. D’ailleurs, la Vue de Delft va être le clou de cette exposition parisienne. Je suis sûr que les critiques vont en parler, comme ils en parlent à chaque fois qu’il est question de ce tableau, ou de Vermeer. Quelle chance qu’on l’accroche pour le centenaire de l’exposition du Jeu de Paume de 1921, celle qui, justement, avait inspiré à Proust l’écriture de ce passage. Mais, grosse différence, à l’époque, on ne disposait pas de spots. On se contentait de l’éclairage naturel ou d’un éclairage électrique standard. Pas forcément bon pour la conservation des tableaux !

Le tableau une fois installé, le conservateur du musée et la scénographe de l’exposition devaient encore donner leur approbation. Le gardien apporta un pupitre sur lequel on pouvait voir un cartel avec inscrits les titre, nom de l’artiste, date et musée d’origine du tableau mais aussi, fait vraiment original, le passage La mort de Bergotte, célèbre extrait de La prisonnière, le cinquième volume d’A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. La traduction en anglais figurait sous la version originale.

 

 

voir Erwan éclairant le tableau à la minute 15:58

Je continue mon histoire:

Pendant mes recherches pour le livre, j'avais lu dans Daniel Arasse qu'il déplorait parfois les magnifiques présentations dans les musées, aussi bien que les expositions où le scénographe a une importance capitale, au lieu de l'ambiance souvent sombre des bâtiments ou églises d'où les oeuvres étaient extraites.

Enfin lorsque Jules et Monique m'avaient fait l'éloge non seulement des Rothko à la Fondation LVMH, mais surtout de leur éclairage (j'avais refusé de me rendre à l'exposition, ayant vu déjà pas mal de Rothko dans divers musées américains, et ne les ayant pas aimés). Jules, qui avait pensé comme moi en Amérique, était revenu emballé par les Rothko nouvelle lumière. 

Et là je me suis dit: sous chaque peinture exposée, il faudrait mettre le nom de l'artiste et celui de l'éclairagiste. 

En apothéose, ce matin à 6 h 28: l'article du New York Times ! Ce qui, bien sûr, me conforte dans mon idée, que, éclairés avec art, maints papiers peints, ou simples surfaces en cours de rénovation, ou tout autre artéfact, deviendraient des oeuvres d'art avec, comme c'est décrit dans le canard de ce matin, leur charge spirituelle pour ne pas dire mystique.

Etant moi-même peu douée pour la spiritualité, et ne la recherchant pas, je me suis trouvée nostalgique des musées de mon enfance (comme la grande galerie du Louvre), remplis de chefs-d'oeuvre, mais où l'on se disait à longueur de visite: si seulement ces trésors étaient mis en valeur, si seulement ils étaient bien éclairés !

 

 

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