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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

une lecture à voix haute enthousiasmante; 3 adjectives

Publié le 14 Septembre 2012 par laurence grenier

http://www.pausilippe.com/

 

J'ai assisté hier soir à une lecture extraite de Albertine disparue, par la compagnie de Pausilippe, à 3 voix, et c'est la meilleure que j'ai jamais entendue (3 voix, ça casse le ron ron, rend la lecture moins difficile à suivre, et dit par des comédiens professionnels, c'était délicieux comme dirait Marcel, qui emploie souvent ce mot dans la Recherche). Et après discussion et buffet étaient à la hauteur.

Tout ça grâce à Isabelle que j'ai rencontrée sous mon arbre au parc de Sceaux, une proustienne avérée, à qui j'ai pu rendre un petit service: localiser un extrait de l'oeuvre traitant d'une façon particulièred'écrire une lettre en employant à la suite 3 termes qui vont en décrescendo: le vieille Marquise de Cambremer!

 

 (Je reprends mon blog du 3 mars):

C’était l’époque où les gens bien élevés observaient la règle d’être aimables et celle dite des trois adjectifs. Mme de Cambremer les combinait toutes les deux. Un adjectif louangeux ne lui suffisait pas, elle le faisait suivre (après un petit tiret) d’un second, puis (après un deuxième tiret) d’un troisième. Mais ce qui lui était particulier, c’est que, contrairement au but social et littéraire qu’elle se proposait, la succession des trois épithètes revêtait, dans les billets de Mme de Cambremer, l’aspect non d’une progression, mais d’un diminuendo . Mme de Cambremer me dit, dans cette première lettre, qu’elle avait vu Saint–Loup et avait encore plus apprécié que jamais ses qualités «uniques — rares — réelles», et qu’il devait revenir avec un de ses amis (précisément celui qui aimait la belle-fille), et que, si je voulais venir, avec ou sans eux, dîner à Féterne, elle en serait «ravie — heureuse — contente». Peut-être était-ce parce que le désir d’amabilité n’était pas égalé chez elle par la fertilité de l’imagination et la richesse du vocabulaire que cette dame tenait à pousser trois exclamations, n’avait la force de donner dans la deuxième et la troisième qu’un écho affaibli de la première. Qu’il y eût eu seulement un quatrième adjectif, et de l’amabilité initiale il ne serait rien resté.

Sodome et Gomorrhe, II,II

 

  

It was the time when well-bred people observed the rule of affability and what was called the rule of the three adjectives. Mme. de Cambremer combined the two rules in one. A laudatory adjective was not enough for her, she followed it (after a little stroke of the pen) with a second, then (after another stroke), with a third. But, what was peculiar to herself was that, in defiance of the literary and social object at which she aimed, the sequence of the three epithets assumed in Mme. de Cambremer’s notes the aspect not of a progression but of a diminuendo. Mme. de Cambremer told me in this first letter that she had seen Saint-Loup and had appreciated more than ever his ‘unique — rare — real’ qualities, that he was coming to them again with one of his friends (the one who was in love with her daughter-in-law), and that if I cared to come, with or without them, to dine at Féterne she would be ‘delighted — happy — pleased.’ Perhaps it was because her desire to be friendly outran the fertility of her imagination and the riches of her vocabulary that the lady, while determined to utter three exclamations, was incapable of making the second and third anything more than feeble echoes of the first. Add but a fourth adjective, and, of her initial friendliness, there would be nothing left.

Cities of the plain, II,II

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Z
<br /> J'adoooooooooooore ! Il me semblait bien que c'était "diminuendo", ce qui rend le procédé tordant. Merci Laurence.<br />
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