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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

L'AMOUR PAR CŒUR au PALAIS ROYAL: les plus belles citations, et pourquoi pas des duos ?

Publié le 8 Février 2024 par proust pour tous

On s'approche du 14 février, jour de la Saint-Valentin, ni un mardi ni un vendredi, il faut donc faire notre fête sur mesure: le vendredi 9 et le mardi 13. Je propose, à côté des textes habituels, des textes d'amour, et même si vous ne les savez pas par  cœur, vous pouvez les lire. Quelques exemples:

1/ des citations:

-de Romain Gary: "elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n'ai jamais su où aller depuis." 

- de Racine cité par Proust (extrait d'Esther), au sujet d'Albertine. C'est ce que me dit tous les soirs Jules avant de nous mettre au lit!  

"Je ne trouve qu'en vous je ne sais quelle grâce 

Qui me charme toujours et jamais ne me lasse. "

En ce qui me concerne je réciterai de La Fontaine Le Chêne et le Roseau, un drôle de couple ! Et ça finit mal, comme Ophélie dans Hamlet, pour le pauvre gros chêne. 

 

2/ des duos, comme celui qui avait été lu avec grand talent, et c'était très drôle, par Jean-Pierre et Elodie, et que les volontaires pourraient lire, le voici:

 

Dans la voiture de Swann,  Odette tient à la main un bouquet de catleyas et dans son corsage sont enfoncées d'autres fleurs de catleyas. Le cheval fait un écart et ils sont bousculés. Odette pousse un cri et reste palpitante, sans respiration.

SWANN (et en la tenant par l’épaule) : Ce n'est rien, n'ayez pas peur.  Surtout, ne me parlez pas, ne me répondez que par signes pour ne pas vous essouffler encore davantage. Cela ne vous gêne pas que je remette droites les fleurs de votre corsage qui ont été déplacées par le choc. J'ai peur que vous ne les perdiez, je voudrais les enfoncer un peu.                                        

ODETTE : Non, pas du tout, ça ne me gêne pas.                                                                      

SWANN : Oh ! non, surtout, ne parlez pas, vous allez encore vous essouffler, vous pouvez bien me répondre par gestes, je vous comprendrai bien. Sincèrement je ne vous gêne pas ? Voyez, il y a un peu... je pense que c'est du pollen qui s'est répandu sur vous ; vous permettez que je l'essuie avec ma main ? Je ne vais pas trop fort, je ne suis pas trop brutal ? Je vous chatouille peut-être un peu ? mais c'est que je ne voudrais pas toucher le velours de la robe pour ne pas le friper. Mais, voyez-vous, il était vraiment nécessaire de les fixer, ils seraient tombés ; et comme cela, en les enfonçant un peu moi-même... Sérieusement, je ne vous suis pas désagréable ? Et en les respirant pour voir s'ils n'ont vraiment pas d'odeur non plus ? Je n'en ai jamais senti, je peux ? dites la vérité ? Odette hausse légèrement les épaules, comme pour dire « vous êtes fou, vous voyez bien que ça me plaît ».

Puis c’est l’amour heureux, au son de la petite phrase de Vinteuil, "hymne national de l’amour de Swann et Odette"

Mais Odette se lasse petit à petit de la jalousie de Swann, qui commence à trop envahir sa vie.

Et il ne fut plus question de Swann chez les Verdurin.

Quelques temps plus tard :

SWANN : Odette, mon chéri, je sais bien que je suis odieux, mais il faut que je te demande des choses. Tu te souviens de l'idée que j'avais eue à propos de toi et de Mme Verdurin ? Dis-moi si c'était vrai, avec elle ou avec une autre.

ODETTE (d'un air irrité et malheureux) : Je te l'ai dit, tu le sais bien.

SWANN : Oui, je sais, mais en es-tu sûre ? Ne me dis pas : « Tu le sais bien », dis-moi : « Je n'ai jamais fait ce genre de choses avec aucune femme. »

ODETTE  (ironique, répétant comme une leçon) : Je n'ai jamais fait ce genre de choses avec aucune femme.

SWANN : Peux-tu me le jurer sur ta médaille de Notre-Dame de Laghet ?

ODETTE : Oh ! que tu me rends malheureuse. Mais as-tu bientôt fini ? Qu'est-ce que tu as aujourd'hui ? Tu as donc décidé qu'il fallait que je te déteste, que je t'exècre ? Voilà, je voulais reprendre avec toi le bon temps comme autrefois et voilà ton remerciement !

SWANN (avec une douceur persuasive et menteuse) : Tu as bien tort de te figurer que je t'en voudrais le moins du monde, Odette. Je ne te parle jamais que de ce que je sais, et j'en sais toujours bien plus long que je ne dis. Mais toi seule peux adoucir par ton aveu ce qui me fait te haïr tant que cela ne m'a été dénoncé que par d'autres. Ma colère contre toi ne vient pas de tes actions, je te pardonne tout puisque je t'aime, mais de ta fausseté, de ta fausseté absurde qui te fait persévérer à nier des choses que je sais. Mais comment veux-tu que je puisse continuer à t'aimer, quand je te vois me soutenir, me jurer une chose que je sais fausse. Odette, ne prolonge pas cet instant qui est une torture pour nous deux. Si tu le veux, ce sera fini dans une seconde, tu seras pour toujours délivrée. Dis-moi sur ta médaille, si oui ou non, tu as jamais fait ces choses.

ODETTE (avec colère): Mais je n'en sais rien, moi, peut-être il y a très longtemps, sans me rendre compte de ce que je faisais, peut-être deux ou trois fois.

SWANN : Ma chérie, c'est fini, était-ce avec une personne que je connais ?

ODETTE : Mais non je te jure, d'ailleurs je crois que j'ai exagéré, que je n'ai pas été jusque-là.

SWANN : Que veux-tu ? cela ne fait rien, mais c'est malheureux que tu ne puisses pas me dire le nom. De pouvoir me représenter la personne, cela m'empêcherait de plus jamais y penser. Je le dis pour toi parce que je ne t'ennuierais plus. C'est si calmant de se représenter les choses ! Ce qui est affreux, c'est ce qu'on ne peut pas imaginer. Mais tu as déjà été si gentille, je ne veux pas te fatiguer. Je te remercie de tout mon cœur de tout le bien que tu m'as fait. C'est fini. Seulement ce mot : « Il y a combien de temps ? »

ODETTE : Oh ! Charles, mais tu ne vois pas que tu me tues ! c'est tout ce qu'il y a de plus ancien. Je n'y avais jamais repensé, on dirait que tu veux absolument me redonner ces idées-là. Tu seras bien avancé.

SWANN : Oh ! je voulais seulement savoir si c'est depuis que je te connais. Mais ce serait si naturel, est-ce que ça se passait ici ; tu ne peux pas me dire un certain soir, que je me représente ce que je faisais ce soir-là ; tu comprends bien qu'il n'est pas possible que tu ne te rappelles pas avec qui, Odette, mon amour.

ODETTE : Mais je ne sais pas, moi, je crois que c'était au Bois un soir où tu es venu nous retrouver dans l'île. Tu avais dîné chez la princesse des Laumes. À une table voisine il y avait une femme que je n'avais pas vue depuis très longtemps. Elle m'a dit : « Venez donc derrière le petit rocher voir l'effet du clair de lune sur l'eau. » D'abord j'ai bâillé et j'ai répondu : « Non, je suis fatiguée et je suis bien ici. » Elle a assuré qu'il n'y avait jamais eu un clair de lune pareil. Je lui ai dit « cette blague ! » je savais bien où elle voulait en venir.

Elle rit presque. En voyant le visage de Swann, elle change de ton.

ODETTE : Tu es un misérable, tu te plais à me torturer, à me faire faire des mensonges que je dis afin que tu me laisses tranquille.

SWANN : Mon pauvre chéri, pardonne-moi, je sens que je te fais de la peine, c'est fini, je n'y pense plus.

SWANN (en aparté) : La vie est vraiment étonnante et réserve de belles surprises ; en somme le vice est quelque chose de plus répandu qu'on ne croit. Voilà une femme en qui j'avais confiance, qui a l'air si simple, si honnête, en tous cas, si même elle était légère, qui semblait bien normale et saine dans ses goûts : sur une dénonciation invraisemblable, je l'interroge et le peu qu'elle m'avoue révèle bien plus que ce qu'on eût pu soupçonner. « Je voyais bien où elle voulait en venir », « Deux ou trois fois », « Cette blague ! », « Je suis bien ici », « Cette blague ! »

ODETTE (avec un sourire de satisfaction de vanité): Oh ! non ! Ce n'est pas que je ne sois pas persécutée pour cela. Il y en a une qui est encore restée plus de deux heures hier à m'attendre, elle me proposait n'importe quel prix. Il paraît qu'il y a un ambassadeur qui lui a dit : « Je me tue si vous ne me l'amenez pas. » On lui a dit que j'étais sortie, j'ai fini par aller moi-même lui parler pour qu'elle s'en aille. J'aurais voulu que tu voies comme je l'ai reçue, ma femme de chambre qui m'entendait de la pièce voisine m'a dit que je criais à tue-tête : « Mais puisque je vous dis que je ne veux pas ! C'est une idée comme ça, ça ne me plaît pas. Je pense que je suis libre de faire ce que je veux, tout de même ! Si j'avais besoin d'argent, je comprends... » Le concierge a ordre de ne plus la laisser entrer, il dira que je suis à la campagne. Ah ! j'aurais voulu que tu sois caché quelque part. Je crois que tu aurais été content, mon chéri. Elle a du bon, tout de même, tu vois, ta petite Odette, quoiqu'on la trouve si détestable. »

Plus tard :

Et avec cette muflerie intermittente qui reparaissait chez Swann dès qu'il n'était plus malheureux et qui baissait du même coup le niveau de sa moralité, il s'écria en lui-même :

SWANN : Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre !

 

JE VAIS APPORTER LE TEXTE. S'il y a des candidats, on pourra faire une petite battle, en attendant celle qui opposera mardi Duy Thong et Ruth, avec Le pont Mirabeau.

 

Comme aurait presque dit Diderot en commençant Le neveu de Rameau

"Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid, c'est mon habitude d'aller sur les SIX heures du soir me promener au Palais-Royal. C'est moi qu'on voit, jamais seul, récitant sous le péristyle Montpensier."

 

Prochains rendez-vous 

à 18 h, péristyle Montpensier

le vendredi 9 février, et le mardi 13 février

 

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