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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

une mode pour temps de crise; a crisis time fashion

Publié le 10 Avril 2013 par proust pour tous

La crise est là, et je pense qu'avoir l'air pauvre devrait être à la mode: ça tombe bien j'adore m'habiller toujours de la même façon, et, vu mes formes et mon âge, mon idéal consiste en un haut noir (pull ou je ne sais pas comment on l'appelle) et jupe tulipe  à fond noir et imprimé, que l'on trouve au marché: genre vieille femme corse ou italienne, villageoise de préférence.

 

Un des premiers soirs dès mon nouveau retour à Paris en 1916, ayant envie d'entendre parler de la seule chose qui m'intéressait alors, la guerre, je sortis, après le dîner, pour aller voir Mme Verdurin, car elle était, avec Mme Bontemps, une des reines de ce Paris de la guerre qui faisait penser au Directoire. Comme par l'ensemencement d'une petite quantité de levure, en apparence de génération spontanée, des jeunes femmes allaient tout le jour coiffées de hauts turbans cylindriques comme aurait pu l'être une contemporaine de Mme Tallien. Par civisme, ayant des tuniques égyptiennes droites, sombres, très « guerre », sur des jupes très courtes, elles chaussaient des lanières rappelant le cothurne selon Talma, ou de hautes guêtres rappelant celles de nos chers combattants ; c'est, disaient-elles, parce qu'elles n'oubliaient pas qu'elles devaient réjouir les yeux de ces combattants qu'elles se paraient encore, non seulement de toilettes « floues », mais encore de bijoux évoquant les armées par leur thème décoratif, si même leur matière ne venait pas des armées, n'avait pas été travaillée aux armées ; au lieu d'ornements égyptiens rappelant la campagne d'Égypte, c'étaient des bagues ou des bracelets faits avec des fragments d'obus ou des ceintures de 75, des allume-cigarettes composés de deux sous anglais, auxquels un militaire était arrivé à donner, dans sa cagna, une patine si belle que le profil de la reine Victoria y avait l'air tracé par Pisanello ; c'est encore parce qu'elles y pensaient sans cesse, disaient-elles, qu'elles portaient à peine le deuil quand l'un des leurs tombait, sous le prétexte qu'il était « mêlé de fierté », ce qui permettait un bonnet de crêpe anglais blanc (du plus gracieux effet et autorisant tous les espoirs), dans l'invincible certitude du triomphe définitif, et permettait ainsi de remplacer le cachemire d'autrefois par le satin et la mousseline de soie, et même de garder ses perles, « tout en observant le tact et la correction qu'il est inutile de rappeler à des Françaises ».

Le Temps retrouvé

 

 

I think that in time of crisis, we should not richly dress, which fits my taste for outfits (black and white, in mediterranean village women style), bought on the food market: 

On one of the first evenings after my return to Paris in 1916, wanting to hear about the only thing that interested me, the war, I went out after dinner to see Mme Verdurin, for she was, together with Mme Bontemps, one of the queens of that Paris of the war which reminded one of the Directory. As the leavening by a small quantity of yeast appears to be a spontaneous germination, young women were running about all day wearing cylindrical turbans on their heads as though they were contemporaries of Mme Tallien, As a proof of public spirit they wore straight Egyptian tunics, dark and very“warlike” above their short skirts, they were shod in sandals, recalling Talma’s buskin or high leggings like those of our beloved combatants. It was, they said, because they did not forget it was their duty to rejoice the eyes of those combatants that they still adorned themselves not only with flou dresses but also with jewels evoking the armies by their decorative theme if indeed their material did not come from the armies and had not been worked by them. Instead of Egyptian ornaments recalling the campaign of Egypt, they wore rings or bracelets made out of fragments of shell or beltings of the “seventy-fives”, cigarette-lighters consisting of two English half-pennies to which a soldier in his dug-out had succeeded in giving a patina so beautiful that the profile of Queen Victoria might have been traced on it by Pisanello. It was again, they said, because they never ceased thinking of their own people, that they hardly wore mourning when one of them fell, the pretext being that he was proud to die, which enabled them to wear a close bonnet of white English crêpe (graceful of effect and encouraging to aspirants) while the invincible certainty of final triumph enabled them to replace the earlier cashmire by satins and silk muslins and even to wear their pearls “while observing that tact and discretion of which it is unnecessary to remind French women.”

Time Regained

 

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