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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Leyla fait un reportage de Christmas chez les proustpourtoussiens

Publié le 24 Décembre 2024 par proust pour tous

Jean-Pierre Méric et son extraordinaire pudding d'Odette

Encore une très joyeuse soirée autour du Christmas pudding d'Odette, précédé par la dictée de Philippe Morel. Deux vedettes ont brillé ce soir-là: Victoria et son accent "à la Odette" et Jean-Pierre et son extraordinaire Christmas pudding, préparé en 15 jours !

LA DICTEE: 

À midi et demi, je me décidais enfin à entrer dans cette maison qui, comme un gros soulier de Noël,
me semblait devoir m'apporter de surnaturels plaisirs. (Le nom de Noël était du reste inconnu à
Mme Swann et à Gilberte qui l'avaient remplacé par celui de Christmas, et ne parlaient que du
pudding de Christmas, de ce qu'on leur avait donné pour leur Christmas, de s'absenter – ce qui me
rendait fou de douleur – pour Christmas. Même à la maison, je me serais cru déshonoré en parlant
de Noël et je ne disais plus que Christmas, ce que mon père trouvait extrêmement ridicule.)
(À l'ombre des jeunes filles en fleurs, Autour de Mme Swann)
Dictée :
À la demie de midi, me résolvant à m’immiscer sans détour dins ch’mason
qui, tels d’empâtés richelieu noëlesques, paraissait devoir me rafourer
d’inouïes délices.
(L’appellation syntagmatique de Nativité semblait au demeurant allochtone à
Gilberte et à sa dabesse, qui l’avaient subrogée à celle de Yuletide, ne
lantiponnaient que sur les plum-puddings marron-rouge de Yuletide, de leurs
oblations de Yuletide, de plier bagage - solastalgie qui me mettait en
brindezingues - pour Yuletide.
Même at home, siège pour moi d'habituels pénates, je me fusse estimé
turpide en dégoisant Nativité et ne débagoulait plus que Yuletide, ce que
mon daron trouvait fou comme de la marde.)
Explications :
La demie de midi : midi est masculin, mais la locution nominale « la demie » est au
féminin quand elle désigne une heure
Me résolvant : participe présent
S’immiscer : deux m + sc
Sans détour : figé au singulier
Dins ch’mason : c’est du picard, c’est-à dire du ch’timi
Tels : accord avec le nom qui suit, richelieu ici au masculin pluriel
Empâtés : accent circonflexe sur le a
Richelieu : modèle de soulier ; s’écrit avec ou sans majuscule ; au pluriel, soit est
invariable, soit prend un s, soit un x. Cela fait donc six façons d’écrire des richelieu...
Comme c’est Noël, toutes seront acceptées.
Noëlesque : adjectif assez rare
Paraissait : pas d’accent sur le premier i
Rafourer : terme picard signifiant « donner du fourage au bétail » ; à prendre au sens
figuré bien sûr
D’inouïes délices : « délice » est un des trois mots qui changent de genre au pluriel et
deviennent féminins ; donc « inouïes » au féminin, sans oublier le tréma
Appellation : deux p, deux l
Syntagmatique : relatif au syntagme (groupe) nominal « Nativité »
Nativité : pour éviter Noël...
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Allochtone : étranger
Dabesse : mère (argot)
Subrogée : substituer à (terme surtout juridique) ; au féminin car se rapporte à
« appellation »
Yuletide (prononcer \ˈjulˌtaɪd\) : nom traditionnel de la période de Noël dans les pays
anglo-saxons et d’Europe du Nord
Lantiponner : parler, bavarder (vieilli)
Plum-puddings (prononcer \plœm.pu.diŋ\) : entremets anglais
Marron-rouge : trait d’union car deux adjectifs de couleur simples, et invariable car
composé
Oblations : offrandes (surtout religieuses)
Plier bagage : expression figée au singulier
Solastalgie : détresse psychologique provoquée par un changement perçu comme
négatif
Mettre en brindezignues: ravager, ruiner (de brindezignue, fou ou ivre)
Habituels pénates : pénates n’existe qu’au masculin pluriel
Turpide : méprisable, honteux
Dégoiser : parler, dire (familier)
Débagouler : vomir ou dire (sens voisin de dégoiser)
Daron : père (argot)
Fou comme de la marde : absurde, ridicule (québécoiserie, québécisme)
 
 
 
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Et pour ceux qui n'ont pu assister à cette brillante fête, voici les textes utilisés. Pour réussir il vous faut des lecteurs francophones et un ANGLOPHONE prêt à faire rire !

ODETTE in English

 

I/  Aussi quand cette année-là, la demi-mondaine raconta à M. Verdurin qu'elle avait fait la connaissance d'un homme charmant, M. Swann, et insinua qu'il serait très heureux d'être reçu chez eux, M. Verdurin transmit-il séance tenante la requête à sa femme. […]

M. VERDURIN : Voici Mme de Crécy qui a quelque chose à te demander. Elle désirerait te présenter un de ses amis, M. Swann. Qu'en dis-tu ?

MME VERDURIN :  Mais voyons, est-ce qu'on peut refuser quelque chose à une petite perfection comme ça ? Taisez-vous, on ne vous demande pas votre avis, je vous dis que vous êtes une perfection.

ODETTE : — Puisque vous le voulez (sur un ton de marivaudage), vous savez que je ne suis pas fishing for compliments.

MME VERDURIN : Eh bien ! amenez-le votre ami, s'il est agréable. »

 

II/ Quelque temps après cette présentation au théâtre, elle avait écrit à Swann pour lui demander à voir ses collections qui l'intéressaient tant :

ODETTE : Moi, ignorante qui ai le goût des jolies choses. Il me semble que je vous connaîtrais mieux, quand je vous aurai vu dans votre home que j’ imagine si confortable avec son thé et ses livres. Mais je suis surprise que vous habitiez  ce quartier qui doit être si triste et « qui est si peu smart pour vous qui l’êtes tant.

 

III/ En disant aux Verdurin que Swann était très « smart », Odette leur avait fait craindre un « ennuyeux ». Il leur fit au contraire une excellente impression. Il n'eut un moment de froideur qu'avec le docteur Cottard : en le voyant lui cligner de l'oeil et lui sourire d'un air ambigu avant qu'ils se fussent encore parlé (mimique que Cottard appelait « laisser venir). Le peintre invita tout de suite Swann à venir avec Odette à son atelier, Swann le trouva gentil.

MME VERDURIN :  Peut-être qu'on vous favorisera plus que moi,  et qu'on vous montrera le portrait de Cottard (elle l'avait commandé au peintre). Pensez bien, “monsieur” Biche, à rendre le joli regard, le petit côté fin, amusant, de l'oeil. Vous savez que ce que je veux surtout avoir, c'est son sourire, ce que je vous ai demandé, c'est le portrait de son sourire.

 Et comme cette expression lui sembla remarquable elle la répéta très haut

MME VERDURIN :  ce que je veux surtout avoir, c'est son sourire, ce que je vous ai demandé, c'est le portrait de son sourire.

pour être sûre que plusieurs invités l'eussent entendue, et même, sous un prétexte vague, en fit d'abord rapprocher quelques-uns.

 

IV/ Mais Swann ne cherchait nullement à lui faire modifier cette conception du chic ; pensant que la sienne n'était pas plus vraie, était aussi sotte, dénuée d'importance, il ne trouvait aucun intérêt à en instruire sa maîtresse.  Odette était par ailleurs portée à croire les relations de Swann peu chic, depuis qu'elle avait vu passer dans la rue la marquise de Villeparisis en robe de laine noire, avec un bonnet à brides.

ODETTE : Mais elle a l'air d'une ouvreuse, d'une vieille concierge, darling ! Ça, une marquise ! Je ne suis pas marquise, mais il faudrait me payer bien cher pour me faire sortir nippée comme ça !

 

V/

Il est vrai qu'un jour Forcheville avait demandé à être ramené en même temps, mais comme arrivé devant la porte d'Odette il avait sollicité la permission d'entrer aussi, Odette lui avait répondu en montrant Swann :

ODETTE :   Ah ! cela dépend de ce monsieur-là, demandez-lui. Enfin, entrez un moment si vous voulez, mais pas longtemps parce que je vous préviens qu'il aime causer tranquillement avec moi, et qu'il n'aime pas beaucoup qu'il y ait des visites quand il vient. Ah ! si vous connaissiez cet être-là autant que je le connais ! n'est-ce pas, my love, il n'y a que moi qui vous connaisse bien ?

 

VI/ Comme j'avais demandé à Mme Swann, en m'efforçant de prendre le ton indifférent d'un ami de la famille, curieux des préférences d'une enfant

LE NARRATEUR : Quels étaient parmi les camarades de Gilberte ceux qu'elle aimait le mieux ?

ODETTE : Mais vous devez être plus avancé que moi dans ses confidences, vous qui êtes le grand favori, le grand crack, comme disent les Anglais.

 

VII/  Elle laissait les domestiques emporter le thé comme elle aurait annoncé : « On ferme ! » Et elle finissait par me dire :

ODETTE :  Alors, vraiment, vous partez ? Hé bien, good bye ! »

 

VIII/

Dès son arrivée, je saluais Mme Swann, elle m'arrêtait et me disait :

ODETTE « Good morning » en souriant.

Nous faisions quelques pas. Et je comprenais que ces canons selon lesquels elle s'habillait, c'était pour elle-même qu'elle y obéissait, comme à une sagesse supérieure dont elle eût été la grande prêtresse.

Ce qui augmentait cette impression que Mme Swann se promenait dans l'avenue du Bois comme dans l'allée d'un jardin à elle, c'était – pour ces gens qui ignoraient ses habitudes de « footing » – qu'elle fût venue à pied, sans voiture qui suivît, elle que dès le mois de mai, on avait l'habitude de voir passer avec l'attelage le plus soigné, la livrée la mieux tenue de Paris, mollement et majestueusement assise comme une déesse, dans le tiède plein air d'une immense victoria à huit ressorts.

 

VIII/

 Odette prenait un air mièvre qu'elle poussait à l'extrême quand elle disait : « Je ne dis pas que les armées allemandes ne se battent pas bien, mais il leur manque ce qu'on appelle le cran. » Pour prononcer « le cran » (et même simplement pour le « mordant ») elle faisait avec sa main le geste de pétrissage et avec ses yeux le clignement des rapins employant un terme d'atelier. Son langage à elle était pourtant, plus encore qu'autrefois, la trace de son admiration pour les Anglais, qu'elle n'était plus obligée de se contenter d'appeler comme autrefois « nos voisins d'outre-Manche », ou tout au plus « nos amis les Anglais », mais « nos loyaux alliés ». Inutile de dire qu'elle ne se faisait pas faute de citer à tout propos l'expression de fair play pour montrer les Anglais trouvant les Allemands des joueurs incorrects, et « ce qu'il faut c'est gagner la guerre, comme disent nos braves alliés ». Tout au plus associait-elle assez maladroitement le nom de son gendre à tout ce qui touchait les soldats anglais et au plaisir qu'il trouvait à vivre dans l'intimité des Australiens aussi bien que des Écossais, des Néo-Zélandais et des Canadiens. « Mon gendre Saint-Loup connaît maintenant l'argot de tous les braves tommies, il sait se faire entendre de ceux des plus lointains dominions et, aussi bien qu'avec le général commandant la base, fraternise avec le plus humble private. »

 

 

ET ENCORE MERCI à ALAIN et sa famille qui nous accueillent si bien au PETIT FLORE, 6 rue croix des Petits Champs !

 

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