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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Littérature comparée: Marcel Proust/ Fernando Pessoa

Publié le 26 Avril 2022 par proust pour tous

Ce n'est pas souvent qu'un proustien a un choc esthétique (pas au point d'en devenir malade comme dans le syndrome de Stendhal), mais voici que j'ai été inondée de joie littéraire à la lecture des premières pages du Livre de l'Intranquillité, de Pessoa: 

Après avoir noté la spectaculaire traduction du titre (je ne peux pas moi-même comparer au portugais), je note dès les premières pages quelques formules que voici:

 

Pessoa:

Pour parler de "ce que je me sens vivre": est d'une réalité à couper au couteau - toute pleine d'ici et de maintenant, et qu'elle arrive dans mon âme comme le vert dans les feuilles. (p.24)

Maintenant que les dernières pluies ont déserté le ciel pour s'établir sur terre - ciel limpide, terre humide et miroitante -, la clarté plus intense de la vie, suivant l'azur, est repartie dans les hauteurs, s'est égayée de la fraîcheur des averses passées ici-bas, et a laissé un peu de son ciel dans les âmes, un peu de sa fraîcheur dans les coeurs. (p.32)

et Proust:

Cette mince raie, au-dessus des rideaux, selon qu’elle est plus ou moins claire, me dit le temps qu’il fait, avant même de me le dire m’en donne l’humeur ; mais je n’ai même pas besoin d’elle. Encore tourné contre le mur et avant même qu’elle ait paru, à la sonorité du premier tramway qui s’approche et de son timbre d’appel, je peux dire s’il roule avec résignation dans la pluie ou s’il est en partance pour l’azur. Car non seulement chaque saison mais chaque sorte de temps lui offre son atmosphère, comme un instrument particulier sur lequel il exécutera l’air toujours pareil de son roulement et de son timbre ; et ce même air non seulement nous arrivera différent mais prendra une couleur et une signification, et exprimera un sentiment tout différent, s’il s’assourdit comme un tambour de brouillard, se fluidifie et chante comme un violon, tout prêt alors à recevoir cette orchestration colorée et légère, dans l’atmosphère où le vent fait courir ses ruisseaux, ou s’il perce avec la vrille d’un fifre la glace bleue d’un temps ensoleillé et froid. Contre Sainte-Beuve

 

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C
Ravie que Pessoa soit entré dans votre vie.<br /> Le Livre de l'intranquilité est l'un de mes livres de chevet.
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L
Quelle chance pour vous que cette découverte d'un incomparable poète, effectivement proche de Proust, bien souvent, et comme vous avez bien fait de transmettre votre émerveillement. Je vous recommande la lecture de Pessoa dans des éditions bilingues : le portugais est bien plus difficile à comprendre à l'oreille qu'à la lecture ; si vous avez des notions de latin ou d'italien, ou d'espagnol, vous parviendrez vite, en consultant la traduction et en écoutant des fados (l'un des plus bouleversants des genres de chant qui soit, selon ceux qui les écoutent !), vous entrerez bientôt plus intimement encore dans l'univers de Pessoa. Que je découvris de mon côté en iisant des fragments du fameux "Bureau de tabac" sur un journal en mai 1985 : je commandai aussitôt le texte intégral, qui me foudroie toujours, Pessoa devient connu en France grâce à ce "Bureau" et aux traductions de ses autres ouvrages, dont "Le livre de l'intranquillité" qui vient de vous transporter dans un nouvel univers... Je ne peux pas ne pas recopier ici la première strophe du "Bureau de tabac" : "Je ne suis rien./Je ne serai jamais rien./Je peux vouloir être rien,/À part ça, je porte en moi tous les rêves du monde.
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P
Merci, je ne parle malheureusement aucune de ces langues, et pourtant à partir de la traduction, on est ébloui. Je lirai aussi "Bureau de tabac". C'es drôle pour moi les plus grands écrivains sont pleins d'humour, et avec Pessoa on ne rit pas trop, tant pis c'est quand même magnifique !