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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

PROUST À L'ÉCOLE: au collège de France, littérature comparée, au collège Lamartine, lecture en écho

Publié le 17 Janvier 2020 par proust pour tous

William Marx feuillette la Recherche à la BNF

 

Quand un ami de ma fille, qu'elle avait rencontré à Cornell University, me raconta qu'il faisait une thèse à Harvard sur la mode dans la Recherche, comparée à la mode dans certains romans russes et américains (il faut dire que l'ami en question était arrivé en Amérique à 15 ans, d'Ukraine, sans parler anglais et que 6 ans plus tard non seulement il parlait anglais sans accent mais aussi français, d'où son sujet à 3 têtes) je me dis à l'époque que la littérature comparée était un art un peu précieux, et dont le seul intérêt réel était de trouver une source inépuisable de sujet de thèses. J'AVAIS TORT, c'est un sujet passionnant qui permet de se consacrer à une étude renouvelée des grands livres. Et ce matin en découvrant un article de Livre Hebdo sur la conférence inaugurale de William Marx au Collège de France je me suis dit: mais c'est comme dans PROUST à l'ECOLE, lorsqu'au collège Lamartine de Bischheim, Laurent Angard présente la rubrique "Lecture en écho", qui m'avait emballée. Et dans le PROUST à l'ECOLE à tout âge que je me propose d'organiser les "Lectures en écho, graines de Littérature comparée" auront une place de choix. 

 

Exemple; Autour de la cuisine

 

Texte en écho : Victor Hugo, Le Rhin (1842)

 

C’est là une vraie cuisine. Une salle immense. Un des murs occupé par les cuivres, l’autre par les faïences. Au milieu, en face des fenêtres, la cheminée, énorme caverne qu’emplit un feu splendide. Au plafond, un noir réseau de poutres magnifiquement enfumées, auxquelles pendent toutes sortes de choses joyeuses, des paniers, des lampes, un garde-manger, et au centre une large nasse à claire-voie où s’étalent de vastes trapèzes de lard. Sous la cheminée, outre le tournebroche, la crémaillère et la chaudière, reluit et pétille un trousseau éblouissant d’une douzaine de pelles et de pincettes de toutes formes et de toutes grandeurs. L’âtre flamboyant envoie des rayons dans tous les coins, découpe de grandes ombres sur le plafond, jette une fraîche teinte rose sur les faïences bleues et fait resplendir l’édifice fantastique des casseroles comme une muraille de braise. Si j’étais Homère ou Rabelais, je dirais : Cette cuisine est un monde dont cette cheminée est le soleil.

C’est un monde en effet. Un monde où se meut toute une république d’hommes, de femmes et d’animaux. Des garçons, des servantes, des marmitons, des rouliers attablés, des poêles sur des réchauds, des marmites qui gloussent, des fritures qui glapissent, des pipes, des cartes, des enfants qui jouent, et des chats, et des chiens et le maître qui surveille. Mens agitat molem.

Dans un angle, une grande horloge à gaine et à poids dit gravement l’heure à tous ces gens occupés.

Parmi les choses innombrables qui pendent au plafond, j’en ai admiré une surtout, le soir de mon arrivée. C’est une petite cage où dormait un petit oiseau. Cet oiseau m’a paru être le plus admirable emblème de la confiance. Cet antre, cette forge à indigestion, cette cuisine effrayante, est jour et nuit pleine de vacarme, l’oiseau dort. On a beau faire rage autour de lui, les hommes jurent, les femmes querellent, les enfants crient, les chiens aboient, les chats miaulent, l’horloge sonne, le couperet cogne, la lèchefrite piaille, le tournebroche grince, la fontaine pleure, les bouteilles sanglotent, les vitres frissonnent, les diligences passent sous la voûte comme le tonnerre ; la petite boule de plume ne bouge pas. — Dieu est adorable. Il donne la foi aux petits oiseaux.

 

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