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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

la phrase de Proust; Proust' sentence

Publié le 19 Septembre 2013 par proust pour tous

la phrase de Proust; Proust' sentence

photo Jean-Marc Kerisit

Pour faire lire Proust, il faut convaincre le candidat-lecteur que la phrase de l'auteur de La recherche est  lisible. Pour certains, la question ne se pose pas     (voir le questionnaire du Proustien dans un billet à venir). Pour les autres, je crois qu'il faut se laisser  porter par le rythme de la phrase sans trop penser à la ponctuation.Une lectrice m'a parlé d'un style à suivre comme l'on regarde passer les nuages. Cependant certaines analyses sont très utiles, et en particulier celle-ci, par François Richaudeau:

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1980_num_45_1_1365

Mais je ne suis pas universitaire et je vois les choses simplement: dans cet article j'ai retenu que les phrases peuvent être longues à cause de sous-phrases enchâssées par 2 tirets, ou 2 virgules (de vraies digressions), parfois difficiles à saisir; tandis que d'autres comportent des sous-phrases introduites par ce que François Richaudeau appelle des mots-outils-indicateurs tels que car, comme, comment, dont, en, jusque, lequel, où, parce que, pour, pourquoi, à laquelle, auquel, duquel, jusque, tandis que... il n'est pas nécessaire de les définir grammaticalement pour comprendre leur utilité, et la fluidité qu'ils apportent à un style qui pourrait a priori paraître rébarbatif.

Une belle phrase (longue):

Mais j’avais revu tantôt l’une, tantôt l’autre, des chambres que j’avais habitées dans ma vie, et je finissais par me les rappeler toutes dans les longues rêveries qui suivaient mon réveil; chambres d’hiver où quand on est couché, on se blottit la tête dans un nid qu’on se tresse avec les choses les plus disparates: un coin de l’oreiller, le haut des couvertures, un bout de châle, le bord du lit, et un numéro des Débats roses, qu’on finit par cimenter ensemble selon la technique des oiseaux en s’y appuyant indéfiniment; où, par un temps glacial le plaisir qu’on goûte est de se sentir séparé du dehors (comme l’hirondelle de mer qui a son nid au fond d’un souterrain dans la chaleur de la terre), et où, le feu étant entretenu toute la nuit dans la cheminée, on dort dans un grand manteau d’air chaud et fumeux, traversé des lueurs des tisons qui se rallument, sorte d’impalpable alcôve, de chaude caverne creusée au sein de la chambre même, zone ardente et mobile en ses contours thermiques, aérée de souffles qui nous rafraîchissent la figure et viennent des angles, des parties voisines de la fenêtre ou éloignées du foyer et qui se sont refroidies;— chambres d’été où l’on aime être uni à la nuit tiède, où le clair de lune appuyé aux volets entr’ouverts, jette jusqu’au pied du lit son échelle enchantée, où le clair de lune appuyé aux volets entr’ouverts, jette jusqu’au pied du lit son échelle enchantée, où on dort presque en plein air, comme la mésange balancée par la brise à la pointe d’un rayon —; parfois la chambre Louis XVI, si gaie que même le premier soir je n’y avais pas été trop malheureux et où les colonnettes qui soutenaient légèrement le plafond s’écartaient avec tant de grâce pour montrer et réserver la place du lit; parfois au contraire celle, petite et si élevée de plafond, creusée en forme de pyramide dans la hauteur de deux étages et partiellement revêtue d’acajou, où dès la première seconde j’avais été intoxiqué moralement par l’odeur inconnue du vétiver, convaincu de l’hostilité des rideaux violets et de l’insolente indifférence de la pendule que jacassait tout haut comme si je n’eusse pas été là;— où une étrange et impitoyable glace à pieds quadrangulaires, barrant obliquement un des angles de la pièce, se creusait à vif dans la douce plénitude de mon champ visuel accoutumé un emplacement qui n’y était pas prévu;— où ma pensée, s’efforçant pendant des heures de se disloquer, de s’étirer en hauteur pour prendre exactement la forme de la chambre et arriver à remplir jusqu’en haut son gigantesque entonnoir, avait souffert bien de dures nuits, tandis que j’étais étendu dans mon lit, les yeux levés, l’oreille anxieuse, la narine rétive, le cœur battant: jusqu’à ce que l’habitude eût changé la couleur des rideaux, fait taire la pendule, enseigné la pitié à la glace oblique et cruelle, dissimulé, sinon chassé complètement, l’odeur du vétiver et notablement diminué la hauteur apparente du plafond. Du côté de chez Swann

To make people read Proust, I must convince them that his sentences, if long, are very readable, especially when they include sub-sentences introduced by what a French researcher, François Richaudeau, calls words-tools-indicators, such as although, as, which, whose, until, up to, by, because, for, why, to which, while.... Easier to read the long sentences with such a structure than the ones containing just digressions introduced by - or ;

An example:

But I had seen first one and then another of the rooms in which I had slept during my life, and in the end I would revisit them all in the long course of my waking dream: rooms in winter, where on going to bed I would at once bury my head in a nest, built up out of the most diverse materials, the corner of my pillow, the top of my blankets, a piece of a shawl, the edge of my bed, and a copy of an evening paper, all of which things I would contrive, with the infinite patience of birds building their nests, to cement into one whole; rooms where, in a keen frost, I would feel the satisfaction of being shut in from the outer world (like the sea-swallow which builds at the end of a dark tunnel and is kept warm by the surrounding earth), and where, the fire keeping in all night, I would sleep wrapped up, as it were, in a great cloak of snug and savoury air, shot with the glow of the logs which would break out again in flame: in a sort of alcove without walls, a cave of warmth dug out of the heart of the room itself, a zone of heat whose boundaries were constantly shifting and altering in temperature as gusts of air ran across them to strike freshly upon my face, from the corners of the room, or from parts near the window or far from the fireplace which had therefore remained cold — or rooms in summer, where I would delight to feel myself a part of the warm evening, where the moonlight striking upon the half-opened shutters would throw down to the foot of my bed its enchanted ladder; where I would fall asleep, as it might be in the open air, like a titmouse which the breeze keeps poised in the focus of a sunbeam — or sometimes the Louis XVI room, so cheerful that I could never feel really unhappy, even on my first night in it: that room where the slender columns which lightly supported its ceiling would part, ever so gracefully, to indicate where the bed was and to keep it separate; sometimes again that little room with the high ceiling, hollowed in the form of a pyramid out of two separate storeys, and partly walled with mahogany, in which from the first moment my mind was drugged by the unfamiliar scent of flowering grasses, convinced of the hostility of the violet curtains and of the insolent indifference of a clock that chattered on at the top of its voice as though I were not there; while a strange and pitiless mirror with square feet, which stood across one corner of the room, cleared for itself a site I had not looked to find tenanted in the quiet surroundings of my normal field of vision: that room in which my mind, forcing itself for hours on end to leave its moorings, to elongate itself upwards so as to take on the exact shape of the room, and to reach to the summit of that monstrous funnel, had passed so many anxious nights while my body lay stretched out in bed, my eyes staring upwards, my ears straining, my nostrils sniffing uneasily, and my heart beating; until custom had changed the colour of the curtains, made the clock keep quiet, brought an expression of pity to the cruel, slanting face of the glass, disguised or even completely dispelled the scent of flowering grasses, and distinctly reduced the apparent loftiness of the ceiling. Swann's Way

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