Comme je prépare la sortie d'une "spirale" sur le temps qui passe, mon fils Pibi m'envoie un texte (en Anglais) de Schopenhauer, un peu compliqué pour moi. Je fais des recherches sur internet et tombe sur un article passionnant de Michel Houellebecq: http://blogs.mediapart.fr/edition/bookclub/article/010210/en-presence-de-schopenhauer-15
"Chapitre 1 Sors de l'enfance, ami, réveille-toi !Nos vies se déroulent dans l'espace, et le temps n'est qu'un accessoire, un résidu. Si je conserve une mémoire photographique, inutilement nette, des lieux où ont pris place les événements de ma vie, je ne parviens à les situer dans le temps que par des recoupements laborieux, approximatifs. Ainsi, lorsque j'ai emprunté Aphorismes sur la sagesse dans la vie à la bibliothèque municipale du VIIème arrondissement (plus précisément à l'annexe du quartier Latour-Maubourg), je pouvais avoir vingt-six ans, mais aussi bien vingt-cinq, ou vingt-sept. C'est de toute façon bien tard, pour une découverte aussi considérable. À l'époque, je connaissais déjà Baudelaire, Dostoïevski, Lautréamont, Verlaine, presque tous les romantiques ; beaucoup de science-fiction, aussi. J'avais lu la Bible, les Pensées de Pascal, Demain les chiens, laMontagne magique. J'écrivais des poèmes ; j'avais déjà l'impression de relire, plutôt que de lire vraiment ; je pensais au moins avoir achevé un cycle, dans ma découverte de la littérature. Et puis, en quelques minutes, tout a basculé. Après deux semaines de recherche, j'ai réussi à me procurer Le monde comme volonté et comme représentation..."
Ce qui me fait penser à Proust, mais plus généralement aux écrivains qui se servent de la philosophie et la transforment en quelque chose d'accessible à tous: la littérature.
Les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n’étaient qu’une mince tranche au milieu d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors; le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années.
Du côté de chez Swann, dernière phrase
Litterature explains better philosophy than philosopher. It transforms it and make it accessible to all. About time and space:
The places that we have known belong not only to the little world of space on which we map them for our own convenience. None of them was ever more than a thin slice, held between the contiguous impressions that composed our life at that time; remembrance of a particular form is but regret for a particular moment; and houses, roads, avenues are as fugitive, alas, as the years.
Swann's Way, last sentence