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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Proust pour tous: Montagne magique / Recherche

Publié le 8 Juillet 2011 par laurence grenier

Comme je fais un petit livre à spirales sur le Temps, je cherche des citations dans les grands classiques. Et voici une comparaison Thomas Mann  (trad Maurice Betz) / Marcel Proust:

 

As I am drafting a little book on Time, I am looking for excerpts from classics, and found a good one in Thomas Mann's Magic Mountain:

 

Sur la nature de l’ennui, des conceptions erronées sont répandues. On croit en somme que la nouveauté et le caractère intéressant de son contenu « font passer le temps », c’est-à-dire : l’abrègent, tandis que la monotonie et le vide alourdiraient et ralentiraient son cours. Mais ce n’est pas absolument exact. Le vide et la monotonie allongent sans doute parfois l’instant ou l’heure et les rendent « ennuyeux », mais ils abrègent et accélèrent, jusqu’à presque les réduire à néant, les grandes et les plus grandes quantités de temps. Au contraire, un contenu riche et intéressant est sans doute capable d’abréger une heure, ou même une journée, mais, compté en grand, il prête au cours du temps de l’ampleur, du poids et de la solidité, de telle sorte que des années riches en événements passent beaucoup plus lentement que ces années pauvres, vides et légères que le vent balaye et qui s’envolent. Ce qu’on appelle l’ennui est donc, en réalité, un semblant maladif de la brièveté du temps pour cause de monotonie : de grands espaces de temps, lorsque leur cours est d’une monotonie ininterrompue, se recroquevillent dans une mesure qui effraye mortellement le cœur ; lorsqu’un jour est pareil à tous, ils ne sont tous qu’un seul jour ; et dans une uniformité parfaite, la vie la plus longue serait ressentie comme très brève et serait passée en un tournemain. L’habitude est une somnolence, ou tout au moins un affaiblissement de la conscience du temps, et lorsque les années d’enfance sont vécues lentement, et que la suite de la vie se déroule toujours plus vite et se précipite, cela aussi tient à l’habitude. Nous savons bien que l’insertion de changements d’habitudes ou de nouvelles habitudes est le seul moyen dont nous disposions pour nous maintenir en vie, pour rafraîchir notre perception du temps, pour obtenir un rajeunissement, une fortification, un ralentissement de notre expérience du temps, et par là même le renouvellement de notre sentiment de la vie en général. 

La Montagne magique, Digression sur le temps, livre de poche, Romans et nouvelles II, p. 700

 

Vacuity, monotony, have, indeed, the property of lingering out the moment and the hour and of making them tiresome. But they are capable of contracting and dissipating the larger, the very large time-units, to the point of reducing them to nothing at all. And conversely, a full and interesting content can put wings to the hour and the day; yet it will lend to the general passage of time a weightiness, a breadth and solidity which cause the eventful years to flow far more slowly than those poor, bare, empy ones over which the wind passes and they are gone.

The Magic Mountain, Alfred Knopf, 1951, Excursus on the Sense of Time, translated by H.T. Lowe-Porter

 

C'est notre attention qui met les objets dans une chambre, et l'habitude qui les en retire en nous faisant de la place.

A l'ombre des jeunes filles en fleurs, II

 

It is our noticing them that puts things in a room, our growing used to them that takes them away again and clears a space for us.

Within a budding grove, Place-names: the place


 


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