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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Asperges; white asparagus

Publié le 13 Mai 2013 par proust pour tous

C'est la saison des asperges, et Monique m'a demandé de lui retrouver dans La recherche une description qu'elle se rappelait charmante.

A cette heure où je descendais apprendre le menu, le dîner était déjà commencé, et Françoise, commandant aux forces de la nature devenues ses aides, comme dans les féeries où les géants se font engager comme cuisiniers, frappait la houille, donnait à la vapeur des pommes de terre à étuver et faisait finir à point par le feu les chefs-d’œuvre culinaires d’abord préparés dans des récipients de céramiste qui allaient des grandes cuves, marmites, chaudrons et poissonnières, aux terrines pour le gibier, moules à pâtisserie, et petits pots de crème en passant par une collection complète de casserole de toutes dimensions. Je m’arrêtais à voir sur la table, où la fille de cuisine venait de les écosser, les petits pois alignés et nombrés comme des billes vertes dans un jeu; mais mon ravissement était devant les asperges, trempées d’outremer et de rose et dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied,— encore souillé pourtant du sol de leur plant,— par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, cette essence précieuse que je reconnaissais encore quand, toute la nuit qui suivait un dîner où j’en avais mangé, elles jouaient, dans leurs farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase de parfum.                                          Du côté de chez Swann I, II

 

It's white asparagus' season, and Monique asked me to locate in the Search a description that she remembered charming.

At the hour when I usually went downstairs to find out what there was for dinner, its preparation would already have begun, and Françoise, a colonel with all the forces of nature for her subalterns, as in the fairy-tales where giants hire themselves out as scullions, would be stirring the coals, putting the potatoes to steam, and, at the right moment, finishing over the fire those culinary masterpieces which had been first got ready in some of the great array of vessels, triumphs of the potter’s craft, which ranged from tubs and boilers and cauldrons and fish kettles down to jars for game, moulds for pastry, and tiny pannikins for cream, and included an entire collection of pots and pans of every shape and size. I would stop by the table, where the kitchen-maid had shelled them, to inspect the platoons of peas, drawn up in ranks and numbered, like little green marbles, ready for a game; but what fascinated me would be the asparagus, tinged with ultramarine and rosy pink which ran from their heads, finely stippled in mauve and azure, through a series of imperceptible changes to their white feet, still stained a little by the soil of their garden-bed: a rainbow-loveliness that was not of this world. I felt that these celestial hues indicated the presence of exquisite creatures who had been pleased to assume vegetable form, who, through the disguise which covered their firm and edible flesh, allowed me to discern in this radiance of earliest dawn, these hinted rainbows, these blue evening shades, that precious quality which I should recognise again when, all night long after a dinner at which I had partaken of them, they played (lyrical and coarse in their jesting as the fairies in Shakespeare’s Dream) at transforming my humble chamber into a bower of aromatic perfume.                            Swann's Way, Combray

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B
<br />  <br /> <br /> <br /> Quelques volumes plus loin, il ya le regard extérieur de Proust, qui donne aux asperges un tout autre parfum....<br /> <br /> <br /> Françoise trouvait pour servir sa volonté permanente de rendre la maison intenable à tout domestique, des ruses si savantes et si impitoyables que, bien des années plus tard, nous apprîmes que si<br /> cet été-là nous avions mangé presque tous les jours des asperges, c'était parce que leur odeur donnait à la pauvre fille de cuisine chargée de les éplucher des crises d'asthme d'une telle<br /> violence qu'elle fut obligée de finir par s'en aller.<br />
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Z
<br /> Torride. J'adore.<br />
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