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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

LES GAGNANTS DU CONCOURS DES PASTICHES DE PROUST: V

Publié le 22 Mai 2020 par proust pour tous

Espérant l'honneur d'être primée (n'étant pas distinguée) dans le concours de pastiches 2020, sans cependant recevoir une cocarde comme les plus belles vaches du concours agricole, ce qu'aurait préconisé un délicieux pasticheur, Philippe Morel dans son PAYS DE VACHES: LES VACHES, n'ayant pas attrapé LA GRIPPE DE SHANGAI, bien que j'aie dû vivre EN CONFINEMENT, EN CONFINEMENT, un vrai DEPLAISIR DE NOS JOURSaprès m'être enfuie de Paris pour LE PAYS DE CRONCE,  où j'avais rejoint MADEMOISELLE alias ERNESTINE DE GUERMANTES  (en fait GUERE MANTES,  ETERNELLEMENT PROUSTune ECHAPPEE MUSICALE sur l'AIR DE LA CALOMNIE, j'avais laissé mon manuscrit AU FOND D'UN TIROIR, en attendant de choisir entre deux titres, UN ARCHITECTE AVENTURE CHEZ LES VERDURIN, ou, et c'est finalement ce que je choisis, UN MERCREDI ARTISTIQUE, dans le but avoué d'égaler en exactitude journalistique L'AFFAIRE LEMOINE VUE PAR PROUST. Bien m'en avait pris, j'avais choisi le bon sujet !

 

3 

Guère Mante, éternellement Proust

Luc Lecerf

Texte distingué, catégorie Amateur

Les dimanches bénis où je vous rendais visite, le temps ne me paraissait pas aussi plat qu’il l’était les jours où, forcée par mes parents, j’allais de maisons en maisons visiter cousins et amis, tout un monde ennuyeux qui se moquait éperdument de la petite fille que j’étais à l’époque, ce qui renforçait l’amertume en mon cœur, celle de ne pouvoir venir vous visiter vous, boulevard Haussmann, l’impression accrue d’un temps perdu. A mon arrivée chez vous, à peine franchi le seuil de votre appartement, je me précipitais invariablement devant la porte de votre chambre, où je m’asseyais en tailleur, au milieu du long couloir froid qui, au fil des ans, m’était devenu si familier, et je vous guettais, les yeux mi-clos, à la manière d’une religieuse priant un Dieu dont elle n’attendait plus aucun signe, une prière sans fin, tout juste troublée par votre chère Céleste – les mains chargées d’un petit plateau en argent sur lequel elle avait posé votre café au lait, fraîchement préparé – qui venait tendrement m’avertir que vous dormiez encore profondément à cette heure avancée de la journée. A ses mots, mes yeux s’arrondissaient et je poussais un grand « Oh » d’admiration : inversant le jour et la nuit, vous mélangiez le cours du temps en de telles proportions que vous ne pouviez être qu’un fameux magicien. Mon père me disait toujours que vous composiez des choses que je n’étais pas autorisée à connaître, « Plus tard, quand vous serez en âge », ajoutait-il, alors ma curiosité s’accentuait, je m’imaginais ce grand secret que vous cachiez, et, tel un alchimiste cherchant sa panacée à l’abri du monde, vous dérobiez votre ouvrage aux yeux de tous, ce qui, en conséquence, le rendait aux miens encore plus fabuleux. Certains dimanches, je repartais sans vous avoir croisé, nullement déçue toutefois ; j’avais la sensation de ne jamais perdre mon temps quand je pensais à vous, mais les jours sacrés où enfin, j’entendais la porte tourner sur ses gonds, je rouvrais les yeux et vous me preniez dans vos bras, penchant votre visage vers le mien, vous m’observiez tel un phénomène. Vous aviez dans le regard, tout cet or et toute cette flamme que je ne retrouvais nulle part ailleurs, ni chez les autres enfants de mon âge, ni dans les livres d’aventures que je dévorais enfouie sous les draps lourds et chauds de mon petit lit. J’avais besoin de réconfort et vous seul saviez me comprendre quand je vous racontais mes rêves, et d’un air sérieux, vous me promettiez de les exaucer tous d’un coup de baguette magique, et moi, en feignant d’y croire, je prolongeais la féérie par laquelle mon cœur d’enfant timide se sentait transporté. J’appris bien plus tard, que c’était avec les mots que vous jouiez derrière votre porte, patiemment vous composiez une œuvre, que secrètement vous souhaitiez éternelle, afin qu’à travers elle, vous non plus vous ne disparaissiez jamais. Autour d’elle, vous ajustiez votre vie, tendrement, vous l’enlaciez de vos bras, mais il fallait faire vite, chaque instant été compté ; vous sortiez peu, le temps dont vous aviez été gratifié était trop précieux pour le diluer dans de futiles moments bien vite oubliés, et sur lesquels d’ailleurs, vous n’aviez ni la santé, ni la volonté de vous attarder. A bien y réfléchir, peut-être ces moments partagés avec vous ont-ils été plus rares que ma mémoire semble s’en souvenir, peut-être ne vous ai-je rencontré au final qu’une ou deux fois tout au plus ? Mais la sensation éprouvée était si forte – après vous avoir rendu visite, il me fallait bien deux ou trois jours pour retrouver le sommeil, ma mère n’en décolérait pas, adressant d’amères remontrances à mon père qui lui, le brave homme, préférait en rire, bien incapable d’en vouloir à son frère adoré – qu’elle en devint éternelle. Vous me faisiez croire en des mondes dont vous seul connaissiez l’existence, et où il fallait une âme d’enfant pour y pénétrer, vous en étiez le Roi, et moi, votre Princesse de Guermantes. A l’ombre d’une vie, où chaque nouveau jour m’a éloigné de vous, il m’est encore difficile de repenser à cette époque de mon enfance sans ressentir une vive émotion, mêlée du bonheur infini de tous ces instants éphémères passés à vos côtés, et de la tristesse profonde de vous avoir dit adieu trop tôt, car les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus. Tu me manques, mon oncle. Suzy M.-P.

 

 

Une échappée musicale

classe de 4ème D du collège Léopold Dussaigne de Jonzac (17)

1er prix, catégorie Scolaire

Il y a trois jours, alors que je faisais ma promenade du soir, à l’heure où le soleil se couche dans un ciel jaune orangé, où les rues se vident de toute âme humaine et où mes sens s’éveillent, j’entendis, au loin, quelques notes de flûte traversière, comme si elles s’étaient enfuies dans les airs pour parvenir à mes oreilles. Je voulus donc savoir d’où venait cette mélodie rayonnante et attirante à laquelle se mêlaient progressivement des percussions, comme les clochettes scintillantes, joyeuses et animées du doux et printanier muguet. J’avançais toujours dans les rues froides et moroses quand je vis le foyer fleurissant de cette majestueuse musique : c’était le jardin de la maison du compositeur Guermantes, aimé, renommé et doué d’un talent sans pareil. La mélodie, plus marquée encore, n’en finissait plus d’embellir. Cors, euphoniums et trombones escortaient, tels des gardes royaux, ce premier thème qui m’envoûtait comme un bateau de pêche téméraire avant la tempête. Alors, je l’aperçus : l’armée de musiciens, instruments en main, dans une lumière tamisée, faisait résonner un combat de notes. D’un geste, le chef d’orchestre, qui n’était autre que Guermantes lui-même, fit riposter, par des glissandos s’échappant du ciel, la clarinette, fée d’hiver virevoltant sur l’eau et défiant les vagues. Les doubles-croches s’enchaînaient sur la portée comme les dribbles d’un joueur vaillant, vif et précis, survolant le match. Comme transporté au cœur de ce jardin orné de tulipes, de bleuets et de jonquilles et devenu théâtre de mon imagination, je n’étais pas plus qu’un simple spectateur de ce mystérieux déluge musical. Un bref instant, alors que les cuivres débutaient un nouveau thème au rythme plus lent et paisible, formant la majuscule d’une envie à venir, un doux flottement m’envahit, pendant lequel les bois vinrent déposer le nappage de la musique : c’étaient des petites touches de couleurs, des mots, un roman. Les notes mystérieuses des contrebassons et les arpèges aigus des flûtes amenaient, comme de petits sautillements, une lueur de gaieté dans la mélodie tourbillonnante formée de triolets vagabonds. Frappé comme par la lecture d’un livre dans lequel les lieux seraient des tonalités et les noms des silences, au fond de moi, quelque chose surgit : une envie de partager cette aventure, de la raconter, de la créer, de faire s’accorder les notes avec mes mots comme les pièces d’un puzzle ; mais comment pourrais-je y parvenir ? Et serais-je capable d’atteindre une telle prouesse harmonique ?

 

 

 

 

L'air de la calomnie

Thierry Maugenest

Texte distingué, catégorie Professionnelle

 

Au temps où j’étais porté à croire ce que publiaient les journaux que maman venait déposer dans ma chambre avant même que je fusse sorti du sommeil, j'aurais été tenté de prêter foi à cette tribune signée d’une certaine demoiselle Briseboult, selon laquelle la fin du monde deviendrait inéluctable si nous ne changions pas radicalement nos modes de vie. Mais comme l’annonce d'un péril, aussi grand soit-il, nous laisse généralement indifférents tant que nous n’y sommes pas directement confrontés, je ne modifiai point mes habitudes et je pus m’apercevoir que l’on faisait de même autour de moi : rien par exemple ne venait troubler les rituels du petit clan de Mme Verdurin où il n’était alors question que d’un jeune flûtiste grec qui ressemblait disait-on à une statue d’Antinoüs et dont le faubourg Saint-Germain faisait des gorges chaudes en dégustant des marrons glacés, et cela comme si les grands bouleversements annoncés à cor et à cri n’étaient que pures élucubrations d’une jeune femme en mal de sensationnel. Ainsi, à cette époque, l’ongle incarné dont souffrait la Patronne avaitil bien plus de réalité aux yeux de ses fidèles que les catastrophes prédites, qui, aux dires de certains, menaçaient notre survie au point que l’on parlait déjà d’une prochaine extinction de masse. Mais, à cette époque, les journaux n’étaient pas les seuls à remettre en question l’ordre du monde. Un pilote d’aéroplane qui se trouvait être le neveu du marquis de Cambremer et qui appartenait à une coterie d'une dizaine de jeunes gens, ayant remarqué, tandis qu’il tenait d’une main ferme le manche de son appareil à plus de mille pieds d’altitude, que l’horizon n’était point courbe mais plat, se refusa à admettre que la terre était ronde. Cette prise de position, dont il fit part en premier lieu à son cercle d’amis, arriva très vite aux oreilles du Tout-Paris, si bien que les conversations dans les semaines suivantes virent s’opposer deux camps : les Platards, qui contestaient la théorie de la rotondité de notre planète, et leurs farouches contempteurs, les Antiplatards. Le débat fit rage et eut des conséquences insoupçonnées dans de nombreux domaines, dont l’un des épisodes les plus marquants fut sans doute qu’il fit perdre au duc de Châtellerault, trop ouvertement antiplatard aux yeux de certains, la présidence du Cercle pour la réhabilitation du toupet, un poste qui lui tendait pourtant les bras avant que n’éclatât cette regrettable controverse que tous nommaient désormais l’Affaire. Mais la polémique enfla encore lorsque le pilote d’aéroplane, pressé de questions au cours d’un dîner donné par sa tante, la marquise de Cambremer, répondit à la baronne Putbus « je vous assure, ma chère, que la terre est tout aussi plate qu’une pensée de madame Verdurin ». Le mot fit le tour du faubourg Saint-Germain à la vitesse de l’éclair ; le lendemain, il était encore servi au déjeuner, puis au souper, et il en fut ainsi tous les jours de la semaine suivante. La princesse d’Epinay le répéta à la vicomtesse d’Égremont, qui le souffla à Mme d'Arpajon, qui s’en fit l’écho chez le vicomte de Courvoisier, lequel le fit connaître à une proche cousine du prince von FaffenheimMunsterburg-Weinigen qui s’en ouvrit à Mme de Chanlivault, qui le glissa à l’oreille de monsieur de Chaussepierre lequel, malgré sa discrétion coutumière, en fit profiter quelques-uns des membres du CATEGORIE PROFESSIONNELLE PASTICHE N°2 49 Jockey, si bien que le mot finit immanquablement par arriver dans le salon de Mme Verdurin. À peine celle-ci entendit-elle le trait assassin qui circulait sur son compte qu’elle ne put contenir cette saillie : « Voilà un crottin qui sent à plein nez son Cambremer ! ». Aussitôt, elle regretta cette réaction qu’elle jugea indigne d’elle, et, pour donner le change et montrer ainsi que le coup ne l’avait pas même effleurée, elle poursuivit le plus posément du monde la rédaction d’un carton d’invitation à l’attention de ce jeune flûtiste grec à propos duquel elle affirma qu’il valait bien deux Paganini à lui seul et que ses doigts couraient si vite sur son instrument qu’il fallait prendre garde de ne point les suivre du regard sous peine d’attraper l’une de ces migraines ophtalmiques qui vous durent parfois jusqu’à quarante-huit heures. Si donc Mme Verdurin fit l’impossible pour ne point laisser paraître sa blessure d’orgueil au grand jour, et surtout ne pas laisser supposer qu’elle aurait pu s’abaisser à réagir à un pareil affront, elle put compter pour se venger secrètement sur une alliée providentielle en la personne de Mlle Briseboult, laquelle, ne jurant alors que par les déplacements en voiture à cheval et l’odeur de la luzerne, n’avait pas de mots assez durs pour stigmatiser le bourdonnement incessant des aéroplanes dont les fumées d’échappement répandaient sur nos villes et nos campagnes des poisons qui finiraient par éradiquer toute trace de vie à la surface de la terre. Certes, dans ses harangues dont la portée ne cessait de croître, la jeune femme ne prenait pas directement pour cible l’impudent neveu de la Cambremer, mais, en jetant le discrédit sur l’aviation, elle finirait sans doute par atteindre l’homme, bientôt coupable aux yeux du monde de corrompre l’atmosphère terrestre avec son appareil. Pour cette raison, Mme Verdurin usa de son influence afin d’introduire Mlle Briseboult dans les salons du faubourg Saint-Germain, où la jeune personne trouva autant de tribunes à la hauteur de son talent d’oratrice et gagna chaque jour de nouvelles âmes à sa cause. Quelques années plus tard, tandis qu’un mouvement de ma pensée m’avait conduit presque malgré moi à me remémorer la figure de cette jeune femme, je m’en ouvris à monsieur de Norpois qui m’apprit que la Verdurin, dont on disait alors qu’elle ne s’estimerait vengée que le jour où l’aéroplane du neveu des Cambremer serait cloué au sol par un décret d’urgence sanitaire, avait également intrigué pour présenter Mlle Briseboult au duc de Guermantes, lequel, avec ses cheveux qui blanchissaient, sa vue qui déclinait et ses longues jambes qui flageolaient chaque jour davantage, commençait à ressembler à un personnage tout droit sorti de la Comédie-Française sans que l’on pût dire s’il incarnait alors à la ville un fier Dom Juan ou un grotesque Géronte ; toujours est-il que le vieux duc ne parut pas insensible au charme de la demoiselle et l’invita à s’exprimer à la Chambre, où, en dépit de propos parfois excessifs, la jeune femme récolta des applaudissements nourris auxquels s’associa un député reconnaissable entre mille à la capote Poiret qu’il avait conservée de sa  tenue militaire et auquel il ne manquait que les jambières gris de fer pour qu’on le crût de nouveau en partance pour le front, et qui s’enthousiasma ce jour-là pour cette jeune personne qui, dit-il en aparté à son voisin de banc tout en essuyant son monocle, « entendait sauver l’air que l’on respirait comme jadis la Pucelle voulut sauver son roi ».

 

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