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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

PROUST À L'ÉCOLE 2 : À la découverte de l'univers proustien

Publié le 26 Septembre 2019 par proust pour tous in Proust à l'école

Séance 2 : À la découverte de l’univers proustien

Objectif général : Donner envie de lire À la recherche du temps perdu de Marcel Proust à des collégiens de 3e, en établissement REP.

Le point du programme : Se chercher, se construire, se raconter, se représenter

La problématique : « Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même » (Proust) ou comment l’œuvre de Marcel Proust peut-elle nous apprendre à comprendre la vie et à réfléchir

sur elle ?

 

Maintenant que les élèves ont fait connaissance avec Marcel Proust à travers deux approches personnelles de deux critiques littéraires spécialistes de Proust, ils peuvent se plonger plus en avant dans la biographie de l’écrivain.

  • Biographie : la vie de l’auteur sert de matériau au roman.

Objectif : - Vous allez faire une recherche biographique sur l’Internet. Vous allez donc être confrontés à d’innombrables informations. Aussi, pour que votre biographie soit la plus efficace, ayez toujours en tête cette question : je ne connais pas Marcel Proust, qu’est-ce qui me semble le plus important, le plus nécessaire ? (Compétence : Lire des images, des documents composites (dont numériques) et des textes non littéraires)

Méthode :

  • Sélectionner les informations importantes, en laissant de côté ce qui n’apporte rien pour expliquer l’œuvre.
  • Vous pouvez bien évidemment vous aider des supports papier (aidez-vous de votre CDI en demandant de l’aide au professeur-documentaliste), ou sur supports électroniques (Internet).
  • Votre recherche ne doit pas excéder 8 lignes.

Voici un plan possible pour rédiger une biographie en trois paragraphes (:

- 1er paragraphe : nom, prénom de la personne, date et lieu de naissance et de décès, nationalité, pseudonyme éventuel, etc.

- 2e paragraphe : formation, études, courant littéraire ou pictural… événements importants de sa vie, éléments ayant un rapport avec l’œuvre.

- 3ème paragraphe : présentation des œuvres principales.

 

(Suggestion : vous pouvez y ajouter tout ce qui vous paraît important, en étant capable de justifier vos choix)

• Extrait : Trouver une vocation p. 129.

Lecture expressive de l’extrait par le professeur.

 

 

Suggestion : Lectures expressives par les élèves, seuls ou en groupes (travail sur la musicalité de la phrase proustienne)

(Compétence du socle (1) : Lire un texte à haute voix de manière claire et intelligible ; dire de mémoire un texte littéraire ; s'engager dans un jeu théâtral.)

 Pour les trois textes : compétence du socle visée :

-Lire, comprendre et interpréter des textes littéraires en fondant l’interprétation sur quelques outils d’analyse simples.

 

Observez et aidez-vous simplement des questions pour dégager l’intérêt du texte :

1/ À votre avis quel est le point de vue narratif ? Justifiez votre réponse. Pourquoi est-il important dans cet extrait ?

2/ Quels temps reconnaissez-vous dans cet extrait ? Quelles sont leurs valeurs ? Comment pourriez-vous intituler cet extrait ?

3/ Si l’on considère qu’une phrase commence par une majuscule et finit par un point, que remarquez-vous ici ? Ce phénomène vous est-il habituel ? Quel en est l’effet ?

4/ Qu’a fait le narrateur sur « cette page » ? Trouvez des indices qui justifient votre réponse.

5/ À la fin du texte, quelle figure de style est importante ? Que peut-elle provoquer chez le lecteur/spectateur ? Pourquoi ?

6/ Quelle est la tonalité de la fin ?

*

**

L’avis d’une spécialiste : Laurence Grenier

 

Le texte n’est constitué que d’une seule phrase qui traduit le bonheur joyeux du héros (ce que l’on pourrait appeler une « bouffée de bonheur »). Il faut aussi remarquer la coordination entre les deux propositions, marquée par la conjonction de coordination « mais » qui oppose, en les liant pourtant, les deux propositions. Alors que la première proposition est au passé simple (on est dans la fulgurance de la pensée, qui a déjà eu lieu d’ailleurs, car le préfixe le suggère (« re-pensai »), la seconde est la plus longue et rythmée par une cascade de « je » suivis de verbes conjugués à l’imparfait (un imparfait de description qui place le lecteur comme spectateur). L’importance du pronom personnel « je » montre que le héros est l’acteur direct de l’énoncé. L’adverbe d’intensité si associé à l’adjectif « heureux » confirme le bonheur du jeune garçon qui ne manque pas d’humour puisqu’il use d’une comparaison assez pittoresque (qui vient tout de suite à l’esprit), drôle et enfantine ; « comme si j’avais été moi-même une poule et si je venais de pondre un œuf »

 

Lecture en écho : René Barjavel, La Charrette bleue (1980) 

La Charrette bleue est un récit autobiographique de l'écrivain français René Barjavel, paru en 1980. Il y raconte son enfance dans la boulangerie provençale de ses parents à Nyons (dans le département de la Drôme). Cette œuvre a reçu le prix Saint-Simon 1980.

 

M. Delavelle devint mon professeur de français quand j’entrai en cinquième. Un matin du premier trimestre, à ma grande stupéfaction, il lut en classe ma rédaction. C’est-à-dire le devoir qu’il nous donnait chaque semaine à faire à la maison. Je regrette de ne pas me rappeler quel en était le sujet. Sans doute quelque chose comme : « Quelle est votre saison préférée ? Dites pourquoi. » Ou bien : « Racontez votre partie de pêche avec votre oncle Jules. »

J’appris ce jour-là que ce que j’avais écrit était bon, et j’en fus aussi surpris que si j’avais, sans m’en apercevoir, traversé la Manche à la nage.

À la sortie, M. Delavelle me retint, me regarda avec une espèce de curiosité étonnée, puis me dit : - Barjavel, vous êtes intelligent, il faut travailler…

Je le crus, comme j’avais cru M. Roux (1) quand il m’affirmait que je n’arriverais à rien parce que mon index ressemblait au pont d’Avignon.

Il est certain que ma « vocation » d’écrivain date de ce jour-là. Je découvris l’exaltation de savoir que je faisais quelque chose bien, alors que jusqu’à ce jour j’avais cafouillé partout, et considéré l’encre, le papier et le porte-plume comme des instruments de torture […]

J’ai beaucoup marché, pas tellement gambadé, peu couru, mais finalement livre après livre, article après article, cela fait un long chemin. Quand je regarde la piste que j’ai tracée, sachant que maintenant je ne l’allongerai plus beaucoup, je suis content. Ce n’est pas de l’autosatisfaction, mais de la satisfaction, simplement. J’avais choisi un métier, et dans ce métier, j’ai fait de mon mieux ce que j’avais à faire.

  1. C’est le directeur de l’école

 

Observez et aidez-vous simplement des questions pour dégager l’intérêt du texte :

1/ Dans le premier texte de Marcel Proust, nous avons découvert que c’était un jeune garçon qui était le héros. À votre avis, quelle période de la vie du narrateur la première phrase de La charrette bleue évoque-t-elle ? Trouvez des indices dans le texte.

2/ Relisez le paratexte, quel autre point commun pouvez-vous relever ?

3/ Si Marcel Proust exprime « une bouffée de bonheur », qu’exprime ici cet épisode ?

3/ C’est l’écrivain Marcel Proust qui jette un regard amusé sur la vie du jeune héros (extrait page 129). Quel regard le narrateur adulte de La charrette bleue porte-t-il sur cette histoire ?

4/ Quels liens pouvez-vous faire entre les deux textes ?

*

**

 

 

 

 

 

 

Texte en écho n°2 : Romain Gary, La Promesse de l’aube (1960)

 

Le narrateur revient dans cet extrait sur un souvenir marquant de son adolescent.

 

Ce fut à treize ans, je crois, que j’eus pour la première fois le pressentiment de ma vocation.

J’étais alors élève de quatrième au lycée de Nice et ma mère avait, à l’hôtel Négresco, une de ces « vitrines » de couloir où elle exposait les articles que les magasins de luxe lui concédaient ; chaque écharpe, chaque ceinture ou chemisette vendue, lui rapportait dix pour cent de commission. Parfois, elle pratiquait une petite hausse illicite des prix et mettait la différence dans sa poche. Toute la journée, elle guettait les clients éventuels, fumant nerveusement d’innombrables gauloises, car notre pain quotidien dépendait alors entièrement de ce commerce incertain.

Depuis treize ans, déjà, seule, sans mari, sans amant, elle luttait ainsi courageusement, afin de gagner, chaque mois, ce qu’il nous fallait pour vivre, pour payer le beurre, les souliers, le loyer, les vêtements, le bifteck de midi – ce bifteck qu’elle plaçait chaque jour devant moi dans l’assiette, un peu solennellement, comme le signe même de sa victoire sur l’adversité. Je revenais du lycée et m’attablais devant le plat. Ma mère, debout, me regardait manger avec cet air apaisé des chiennes qui allaitent leurs petits.

Elle refusait d’y toucher elle-même et m’assurait qu’elle n’aimait que les légumes et que la viande et les graisses lui étaient strictement défendues.

Un jour, quittant la table, j’allai à la cuisine boire un verre d’eau.

Ma mère était assise sur un tabouret ; elle tenait sur ses genoux la poêle à frire où mon bifteck avait été cuit. Elle en essuyait soigneusement le fond graisseux avec des morceaux de pain qu’elle mangeait ensuite avidement et, malgré son geste rapide pour dissimuler la poêle sous la serviette, je sus soudain, dans un éclair, toute la vérité sur les motifs réels de son régime végétarien.

Je demeurai là un moment, immobile, pétrifié, regardant avec horreur la poêle mal cachée sous la serviette et le sourire inquiet, coupable, de ma mère, puis j’éclatai en sanglots et m’enfuis.

Au bout de l’allée Shakespeare où nous habitions alors, il y avait un remblai presque vertical qui dominait le chemin de fer, et c’est là que je courus me cacher. L’idée de me jeter sous un train et de me dérober ainsi à ma honte et mon impuissance me passa par la tête, mais, presqu’aussitôt une farouche résolution de redresser le monde et de le déposer un jour aux pieds de ma mère, heureux, juste, digne d’elle, enfin me mordit au cœur d’une brûlure dont mon sang charria le feu jusqu’à la fin. Le visage enfoui dans mes bras je me laissai aller à ma peine, mais les larmes, qui me furent souvent si clémentes, ne m’apportèrent cette fois aucune consolation. Un intolérable sentiment de privation, de dévirilisation, presque d’infirmité, s’empara de moi ; au fur et à mesure que je grandissais, ma frustration d’enfant et ma confuse aspiration, loin de s’estomper, grandissaient en moi et se transformaient peu à peu en un besoin que ni femme ni art ne devaient plus jamais suffire à apaiser

J’étais en train de pleurer dans l’herbe quand je vis ma mère apparaitre en haut talus. Je ne sais comment elle avait découvert l’endroit : personne n’y venait jamais. Je la vis se baisser pour passer sous les fils de fer, puis descendre vers moi, ses cheveux gris pleins de lumière et de ciel. Elle vint s’asseoir à côté de moi, son éternelle gauloise à la main.

« Ne pleure pas,

  • Laisse-moi. Je te demande pardon. Tu es un homme maintenant, je t’ai fait de la peine.
  • Laisse-moi, je te dis ! »

Un train passa sur la voie. Il me parut soudain que c’était mon chagrin qui faisait tout ce fracas.

« Je ne recommencerai plus. »

Je me calmai un peu. Nous étions assis sur le remblai tous les deux, les bras sur les genoux, regardant de l’autre côté. Il y avait une chèvre attachée à un arbre, un mimosa. Le mimosa était en fleur, le ciel était très bleu, et le soleil faisait de son mieux. Je pensai soudain que le monde donnait bien le change.

C’est ma première pensée d’adulte dont je me souvienne.

Ma mère me tendit le paquet de gauloises.

« Tu veux une cigarette ?

 – Non. »

Elle essayait de me traiter en homme. Peut-être était-elle pressée. Elle avait déjà cinquante-et-un an. Un âge difficile quand on n’a qu’un enfant pour tout soutien dans la vie.

« Tu as écrit, aujourd’hui ? » Depuis plus d’un an, « j’écrivais ».  J’avais déjà noirci de mes poèmes plusieurs cahiers d’écolier. Pour me donner l’illusion d’être publié, je les recopiais lettre par lettre en caractères d’imprimerie.

« Oui. J’ai commencé un grand poème philosophique sur la réincarnation et la migration des âmes. »

Elle fit « bien » de la tête.

« Et au lycée ?

  • J’ai eu un zéro en maths. »

Ma mère réfléchit.

« Ils ne te comprennent pas », dit-elle.

J’étais assez de son avis. L’obstination avec laquelle mes professeurs de science me donnaient des zéros me faisait l’effet d’une ignorance crasse de leur part.

« Ils le regretteront, dit ma mère. Ils seront confondus. Ton nom sera gravé un jour en lettres d’or sur les murs du lycée. Je vais aller les voir demain et leur dire… »

Je frémis.

« Maman, je te le défends ! tu vas encore me ridiculiser.

  • Je vais leur dire tes derniers poèmes. J’ai été une grande actrice, je sais dire des vers. Tu seras D’Annunzio ! Tu seras Victor Hugo, Prix Nobel !
  • Je te défends d’aller leur parler.

Elle ne m’écoutait pas. Son regard se perdit dans l’espace et un sourire heureux vint à ses lèvres, naïf et confiant à la fois, comme si ses yeux, perçant les brumes de l’avenir, avaient soudain vu son fils, à l’âge d’homme, monter lentement les marches du Panthéon, en grande tenue, couvert de gloire, de succès et d’honneurs.

  • Tu auras toutes les femmes à tes pieds, conclut-elle catégoriquement, en balayant le ciel de sa cigarette.

 

Observez et aidez-vous simplement des questions pour dégager l’intérêt du texte :

1/ En comparaison des deux premiers textes, est-ce que ce souvenir est joyeux ? Expliquez en montrant comment le secret est découvert par l’enfant.

2/ À partir de ce souvenir, que va-t-il se passer dans l’esprit du jeune garçon ?

3/ Quels sentiments sont mis ici en lumière ? Montrez-en la progression.

4/ Pour la mère, quel sera le futur métier du jeune homme ? Comment réagit la mère du jeune Romain Gary ?

4/ En quoi cet épisode est-il important dans la vie du narrateur ?

5/ Comment comprenez-vous cette phrase maternelle : « Ton nom sera gravé un jour en lettres d’or sur les murs du lycée. » (Émettre des hypothèses de lecture)

 

Vocabulaire (compétence su socle : Maitriser la structure, le sens et l’orthographe des mots.)

« Dévirilisation »

  1. Quel préfixe repérez-vous ? Quel est son sens ?
  2. Que veut dire en latin, vir ? Quel adjectif pouvez-vous former avec cette racine ?
  3. Écrivez plusieurs phrases dans lesquelles vous utiliserez la racine latine vir.

Trace écrite :

(Compétences du socle : Adopter des stratégies et des procédures d’écriture efficaces + Passer du recours intuitif à l’argumentation à un usage plus maîtrisé)

 

Qu’apprend-on à la lecture de ces trois textes sur la vie des écrivains ? Peut-on dire que la vocation d’un écrivain prend racines dans l’enfance ? Mobilisez toutes vos réponses et toutes vos connaissances.

 

 

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M
Meme s'il n'a pas beaucoup voyage, Proust est partout. On le retrouve inscrit sur la roche, le long du chemin qui a l'universite de Denison (dans l'Ohio) mene au colloque sur " Andre Gide et l'image".:" The real voyage of discovery consists not in seeking new landscapes but in having new eyes". Marcel Proust. Son regard n'est pas si eloigne de celui d'Andre Gide:<br /> " Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardee.".
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M
En contrepartie: ENFANCE, de Nathalie Sarraute:<br /> " Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d'enfance »... Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »... il n'y a pas à tortiller, c'est bien ça.<br /> <br /> - Oui, je n'y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi..."
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L
Merci ! C'est une bonne suggestion !!!!!!
M
En echo aussi, une hesitation a se raconter: " Enfance" de Nathalie Sarraute: " Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d'enfance »... Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »... il n'y a pas à tortiller, c'est bien ça.<br /> <br /> - Oui, je n'y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi..."
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