Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"
Marcel Proust lui-même a trouvé des mots pour qualifier l’érotisme dans son œuvre : dans une lettre de mai 1908, il détaille ses projets en cours et parle d’un “essai sur la pédérastie qui ne sera pas facile à publier”. Par la suite, en 1909, il écrit: “... livre extrêmement impudique en certaines parties. Il y en a d’obscènes, impossibles à publier dans le Figaro”. En 1912: “le manuscrit est un ouvrage indécent, plus que ce qu’on a l’habitude de publier. En 1913 il évoque “l’extrême licence et indécence de certaines parties”
Plaisir rêvé
Quelquefois, comme Ève naquit d'une côte d'Adam, une femme naissait pendant mon sommeil d'une fausse position de ma cuisse. Formée du plaisir que j'étais sur le point de goûter, je m'imaginais que c'était elle qui me l'offrait. Mon corps qui sentait dans le sien ma propre chaleur voulait s'y rejoindre, je m'éveillais. Le reste des humains m'apparaissait comme bien lointain auprès de cette femme que j'avais quittée, il y avait quelques moments à peine ; ma joue était chaude encore de son baiser, mon corps courbaturé par le poids de sa taille. Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d'une femme que j'avais connue dans la vie, j'allais me donner tout entier à ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s'imaginent qu'on peut goûter dans une réalité le charme du songe. Peu à peu son souvenir s'évanouissait, j'avais oublié la fille de mon rêve. Du côté de chez Swann