
Jusqu'à hier soir, pour moi "l'Affaire" voulait dire l'Affaire Dreyfus, mais lorsque Jules s'est, sous mes propres yeux, enthousiasmé pour un petit livre nommé "La pierre de Rosette" de Robert Solé et Dominique Valbelle, et s'est exclamé en citant Champollion ayant enfin réussi à déchiffrer les hiéroglyphes "Je tiens l'affaire!" je me suis dit: voici une nouvelle piste sémantique pour moi, à partir d'aujourd'hui à chaque fois que je rencontrerai le mot affaire, un mot très usité, je penserai à ce génial savant.
Je me souvins avec plaisir parce que cela me montrait que j'étais déjà le même alors et que cela recouvrait un trait fondamental de ma nature, avec tristesse aussi en pensant que depuis lors je n'avais jamais progressé, que déjà à Combray je fixais avec attention devant mon esprit quelque image qui m'avait forcé à la regarder, un nuage, un triangle, un clocher, une fleur, un caillou, en sentant qu'il y avait peut-être sous ces signes quelque chose de tout autre que je devais tâcher de découvrir, une pensée qu'ils traduisaient à la façon de ces caractères hiéroglyphes qu'on croirait représenter seulement des objets matériels. Sans doute, ce déchiffrage était difficile, mais seul il donnait quelque vérité à lire. Le Temps Retrouvé