La guerre des Boers; Boers à Spioenkop (Afrique du Sud), 1900
Quand mes enfants se plaignaient d'un bobo, je leur citais le sort des poilus dans les tranchées ou des soldats de l'Empire durant a retraite de Russie, ou des victimes de la dernière catastrophe naturelle, famine ou épidémie. Cette façon de minimiser leurs chagrins n'avait pas l'impact que j'escomptais et encore maintenant lorsque, plus rarement, l'un d'eux entame une litanie sur son sort, je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que déjà sort de la sienne: "Je sais, à côté des migrants qui sont prêts à risquer la noyade...."
Depuis que pour suivre – et voir se démentir – les principes militaires de Saint-Loup, j'avais suivi avec grand détail la guerre des Boërs, j'avais été conduit à relire d'anciens récits d'explorations, de voyages. Ces récits m'avaient passionné et j'en faisais l'application dans la vie courante pour me donner plus de courage. Quand des crises m'avaient forcé à rester plusieurs jours et plusieurs nuits de suite non seulement sans dormir, mais sans m'étendre, sans boire et sans manger, au moment où l'épuisement et la souffrance devenaient tels que je pensais n'en sortir jamais, je pensais à tel voyageur jeté sur la grève, empoisonné par des herbes malsaines, grelottant de fièvre dans ses vêtements trempés par l'eau de la mer, et qui pourtant se sentait mieux au bout de deux jours, reprenait au hasard sa route, à la recherche d'habitants quelconques, qui seraient peut-être des anthropophages. Leur exemple me tonifiait, me rendait l'espoir, et j'avais honte d'avoir eu un moment de découragement. Pensant aux Boërs qui, ayant en face d'eux des armées anglaises, ne craignaient pas de s'exposer au moment où il fallait traverser, avant de retrouver un fourré, des parties de rase campagne : « Il ferait beau voir, pensai-je, que je fusse plus pusillanime, quand le théâtre d'opérations est simplement notre propre cour, et quand, moi qui me suis battu plusieurs fois en duel sans aucune crainte, au moment de l'affaire Dreyfus, le seul fer que j'aie à craindre est celui du regard des voisins qui ont autre chose à faire qu'à regarder dans la cour. » Sodome et Gomorrhe
When my children were whining about a boo boo, I used to remind them of the fate of the soldiers of the Great War in the tranches, or Napoleon' Grande Armée crossing the Berezina River, or the victims of the last drought, famine or epidemic. This method to minimize their sorrows did not have the expected impact, and today, when, much less often, one of them starts a litany on life's hardship, I have no time to open my mouth, that soon enough comes from his: 'I know, compared to migrants' who are ready to risk drowning....",
Since, in order to follow — and see controverted — the military principles enunciated by Saint-Loup, I had followed in close detail the course of the Boer war, I had been led on from that to read again old accounts of explorations, narratives of travel. These stories had excited me, and I applied them to the events of my daily life to stimulate my courage. When attacks of illness had compelled me to remain for several days and nights on end not only without sleep but without lying down, without tasting food or drink, at the moment when my pain and exhaustion became so intense that I felt that I should never escape from them, I would think of some traveller cast on the beach, poisoned by noxious herbs, shivering with fever in clothes drenched by the salt water, who nevertheless in a day or two felt stronger, rose and went blindly upon his way, in search of possible inhabitants who might, when he came to them, prove cannibals. His example acted on me as a tonic, restored my hope, and I felt ashamed of my momentary discouragement. Thinking of the Boers who, with British armies facing them, were not afraid to expose themselves at the moment when they had to cross, in order to reach a covered position, a tract of open country: “It would be a fine thing,” I thought to myself, “if I were to shew less courage when the theatre of operations is simply the human heart, and when the only steel that I, who engaged in more than one duel without fear at the time of the Dreyfus case, have to fear is that of the eyes of the neighbours who have other things to do besides looking into the courtyard,” Cities of the Plain