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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Mercredi, café de la Mairie avec Luchini; Yesterday café de la Mairie with Luchini

Publié le 21 Août 2015 par proust pour tous

La Discrète, Judith Henry, Fabrice Luchini
La Discrète, Judith Henry, Fabrice Luchini

Quelle bonne surprise, Antoine, un habitué du Swann nous a rejoint pour nos mercredis Proustpourtous: Antoine, apparemment ravi de se retrouver dans un café si littéraire et si célèbre: "Savez-vous qu'un délicieux film de Christian Vincent (La Discrète, avec Fabrice Luchini et Judith Henry, 1990)) avait été tourné ici sur ces mêmes banquettes ? " Comme je demandai comment il était devenu proustien, Antoine me dit qu'il avait lu vers 25 ans A l'ombre des jeunes filles en fleurs mais qu'il ne s'attaqua que des années plus tard à La Recherche en commençant par le commencement et que le passage sur les vitraux de l'église de Combray l'avait ferré.

Je savais que là résidaient des châtelains, le duc et la duchesse de Guermantes, je savais qu'ils étaient des personnages réels et actuellement existants, mais chaque fois que je pensais à eux, je me les représentais tantôt en tapisserie, comme était la comtesse de Guermantes, dans le « Couronnement d'Esther » de notre église, tantôt de nuances changeantes comme était Gilbert le Mauvais dans le vitrail où il passait du vert chou au bleu prune, selon que j'étais encore à prendre de l'eau bénite ou que j'arrivais à nos chaises, tantôt tout à fait impalpables comme l'image de Geneviève de Brabant, ancêtre de la famille de Guermantes, que la lanterne magique promenait sur les rideaux de ma chambre ou faisait monter au plafond – enfin toujours enveloppés du mystère des temps mérovingiens et baignant comme dans un coucher de soleil dans la lumière orangée qui émane de cette syllabe : « antes ». Mais si malgré cela ils étaient pour moi, en tant que duc et duchesse, des êtres réels, bien qu'étranges, en revanche leur personne ducale se distendait démesurément, s'immatérialisait, pour pouvoir contenir en elle ce Guermantes dont ils étaient duc et duchesse, tout ce « côté de Guermantes » ensoleillé, le cours de la Vivonne, ses nymphéas et ses grands arbres, et tant de beaux après-midi. Et je savais qu'ils ne portaient pas seulement le titre de duc et de duchesse de Guermantes, mais que depuis le XIVe siècle où, après avoir inutilement essayé de vaincre leurs anciens seigneurs ils s'étaient alliés à eux par des mariages, ils étaient comtes de Combray, les premiers des citoyens de Combray par conséquent et pourtant les seuls qui n'y habitassent pas. Comtes de Combray, possédant Combray au milieu de leur nom, de leur personne, et sans doute ayant effectivement en eux cette étrange et pieuse tristesse qui était spéciale à Combray ; propriétaires de la ville, mais non d'une maison particulière, demeurant sans doute dehors, dans la rue entre ciel et terre, comme ce Gilbert de Guermantes, dont je ne voyais aux vitraux de l'abside de Saint-Hilaire que l'envers de laque noire, si je levais la tête quand j'allais chercher du sel chez Camus. Du côté de chez Swann

Yesterday a newcomer in these meetings, who used to come at the Swann, Antoine, mentioned that a charming movie, La Discrète, had been filmed in this room. He also told me that he became proustian at the secund try of reading the Search when he reached that following text:

I knew that it was the residence of its proprietors, the Duc and Duchesse de Guermantes, I knew that they were real personages who did actually exist, but whenever I thought about them I pictured them to myself either in tapestry, as was the ‘Coronation of Esther’ which hung in our church, or else in changing, rainbow colours, as was Gilbert the Bad in his window, where he passed from cabbage green, when I was dipping my fingers in the holy water stoup, to plum blue when I had reached our row of chairs, or again altogether impalpable, like the image of Geneviève de Brabant, ancestress of the Guermantes family, which the magic lantern sent wandering over the curtains of my room or flung aloft upon the ceiling — in short, always wrapped in the mystery of the Merovingian age, and bathed, as in a sunset, in the orange light which glowed from the resounding syllable ‘antes.’ And if, in spite of that, they were for me, in their capacity as a duke and a duchess, real people, though of an unfamiliar kind, this ducal personality was in its turn enormously distended, immaterialised, so as to encircle and contain that Guermantes of which they were duke and duchess, all that sunlit ‘Guermantes way’ of our walks, the course of the Vivonne, its water-lilies and its overshadowing trees, and an endless series of hot summer afternoons. And I knew that they bore not only the titles of Duc and Duchesse de Guermantes, but that since the fourteenth century, when, after vain attempts to conquer its earlier lords in battle, they had allied themselves by marriage, and so became Counts of Combray, the first citizens, consequently, of the place, and yet the only ones among its citizens who did not reside in it — Comtes de Combray, possessing Combray, threading it on their string of names and titles, absorbing it in their personalities, and illustrating, no doubt, in themselves that strange and pious melancholy which was peculiar to Combray; proprietors of the town, though not of any particular house there; dwelling, presumably, out of doors, in the street, between heaven and earth, like that Gilbert de Guermantes, of whom I could see, in the stained glass of the apse of Saint-Hilaire, only the ‘other side’ in dull black lacquer, if I raised my eyes to look for him, when I was going to Camus’s for a packet of salt. Swann's Way
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