L'une des spécialités culinaires de Jules, c'est un rôti de porc cuit sur un lit d'échalotes. Son rôti est excellent, parait-il, car je n'y ai jamais eu droit (il aime mieux me faire du saint-pierre en papillotes, plus raffiné et moins calorique). Ce qui ne m'a pas empêchée d'essayer de faire aussi bien: eh bien oui mon rôti était lui aussi excellent, il m'a même permis de découvrir que le chat de la voisine, Steve, n'était ni musulman ni juif, car l'odeur de mon rôti l'a rendu fou de désir (gastronomique): il n'a pas arrêté de taper à ma fenêtre jusqu'à ce que je lui serve un petit morceau de ce délice, non seulement porcin mais cuit dans de la bière! Ce qui me rappelle que le porc, un animal essentiel en France, a permis de nourrir tant de générations qui nous ont précédés, mais dont je propose à présent, pour la paix sociale, de changer le nom, exercice qu'avait déjà pratiqué mon ex américain et juif, qui évitait le rôti de porc (à cause du nom) mais se jetait sur le bacon, tout en connaissant sa provenance.Je suggère donc que l'on nomme le porc non pas cochon, déjà bien marqué, ni bourgeois (les bourgeois c'est comme les cochons) ni homme (les femmes aiment les cochons)... alors pourquoi pas une côtelette de bacon charcutière, ou un rôti de crop aux pruneaux? ou même pour le rôti qui plait tant à Steve, un rôti de chonoc à la pière! tout n'est que vocabulaire...
je lui dis que la dame qui venait de partir s'appelait la marquise de Cambremer et non de Camembert. À l'étage devant lequel nous posions alors, j'aperçus, portant un traversin, une femme de chambre affreuse qui me salua avec respect, espérant un pourboire au départ. J'aurais voulu savoir si c'était celle que j'avais tant désirée le soir de ma première arrivée à Balbec, mais je ne pus jamais arriver à une certitude. Le lift me jura, avec la sincérité de la plupart des faux témoins, mais sans quitter son air désespéré, que c'était bien sous le nom de Camembert que la marquise lui avait demandé de l'annoncer. Et, à vrai dire, il était bien naturel qu'il eût entendu un nom qu'il connaissait déjà. Puis, ayant sur la noblesse et la nature des noms avec lesquels se font les titres les notions fort vagues qui sont celles de beaucoup de gens qui ne sont pas liftiers, le nom de Camembert lui avait paru d'autant plus vraisemblable que, ce fromage étant universellement connu, il ne fallait point s'étonner qu'on eût tiré un marquisat d'une renommée aussi glorieuse, à moins que ce ne fût celle du marquisat qui eût donné sa célébrité au fromage. Néanmoins, comme il voyait que je ne voulais pas avoir l'air de m'être trompé et qu'il savait que les maîtres aiment à voir obéis leurs caprices les plus futiles et acceptés leurs mensonges les plus évidents, il me promit, en bon domestique, de dire désormais Cambremer. Sodome et Gomorrhe
One of Jules' culinary specialties is a pork roast on a bed of shallots. His roast is excellent, according to him, but I never had a chance to taste it (he prefers to cook a nice lean fish for me, more refined and less caloric). It did not stopped me from trying to match his grilling talents: yes my pork roast was excellent too, and it allowed me to discover that the neighbor's cat, Steve, was not Muslim nor Jewish, because having smelled the meat made him crazy with desire (gastronomic) and he was desperatly cratching my window until I served him a good portion of the delice; it reminds me that pork,was an animal essential to French population survival for many centuries. But nowadays, for social peace, after the unity huge demonstration of January 11, I propose that pork change its name (as was doing my ex Jewish American husband, who was not fond of pork roast because of its name but would binge on bacon). I suggest therefore to name a pork roast a bacon roast: everything is in vocabulary.