Herbert Léonard, oui, Herbert Léonard, "Pour le plaisir" mon voisin de salon du livre (il s'intéresse à l'aviation dans l'armée soviétique) avec ses lunettes, et derrière, en costume vert, de dos, Jean-Pierre Patat, ancien directeur général de la banque de France (pour son livre 1814)
Pour la promotion de "Les douze dîners de Marcel Proust" un petit cadeau (10€), léger par son esprit mais lourd par la beauté de son style, j'ai donné quelques conférences. J'aime beaucoup cet exercice qui me permet de rencontrer un public varié, plus ou moins connaisseur de notre grand écrivain.
Ce week-end, j'étais au Premier salon des Arts et de la Littérature à Perthes-en-Gâtinais, organisé par notre ami Henri Girard. Mes voisins de salon étaient peu communs et je les ai bombardés de questions (voir photo). Mais après ma conférence sur ma relation jamais décevante avec l'oeuvre de Proust, un homme qui avait l'air âgé (il m'avoua ses 95 ans), déclara qu'il avait arrêter sa lecture de la Recherche juste avant le septième et dernier volume Le Temps retrouvé, en représailles de la façon cavalière, ignoble même dont le narrateur évoque l'homosexualité.Cet ancien instituteur, qui s'est révélé érudit, était lui-même homosexuel et me confia comme sa vie, à l'époque, avait été difficile en raison de son orientation. Il en voulait à Proust de s'être moqué cruellement, au travers du personnage de Charlus, de son ami/rival Robert de Montesquiou. "Vous vous trompez, lui dis-je, Proust se moque de tout le monde dans son roman, bourgeois, aristocrates, Juifs, snobs... mais il a aussi beaucoup de tendresse pour eux. Proust n'est jamais blanc ou noir.". Mon instituteur m'a promis de relire le début de Sodome et Gomorrhe"...
Alors le solitaire languit seul. Il n'a d'autre plaisir que d'aller à la station de bain de mer voisine demander un renseignement à un certain employé de chemin de fer. Mais celui-ci a reçu de l'avancement, est nommé à l'autre bout de la France ; le solitaire ne pourra plus aller lui demander l'heure des trains, le prix des premières, et avant de rentrer rêver dans sa tour, comme Grisélidis, il s'attarde sur la plage, telle une étrange Andromède qu'aucun Argonaute ne viendra délivrer, comme une méduse stérile qui périra sur le sable, ou bien il reste paresseusement, avant le départ du train, sur le quai, à jeter sur la foule des voyageurs un regard qui semblera indifférent, dédaigneux ou distrait, à ceux d'une autre race, mais qui, comme l'éclat lumineux dont se parent certains insectes pour attirer ceux de la même espèce, ou comme le nectar qu'offrent certaines fleurs pour attirer les insectes qui les féconderont, ne tromperait pas l'amateur presque introuvable d'un plaisir trop singulier, trop difficile à placer, qui lui est offert, le confrère avec qui notre spécialiste pourrait parler la langue insolite ; tout au plus, à celle-ci quelque loqueteux du quai fera-t-il semblant de s'intéresser, mais pour un bénéfice matériel seulement, comme ceux qui au Collège de France, dans la salle où le professeur de sanscrit parle sans auditeur, vont suivre le cours, mais seulement pour se chauffer. Méduse ! Orchidée ! quand je ne suivais que mon instinct, la méduse me répugnait à Balbec ; mais si je savais la regarder, comme Michelet, du point de vue de l'histoire naturelle et de l'esthétique, je voyais une délicieuse girandole d'azur. Ne sont-elles pas, avec le velours transparent de leurs pétales, comme les mauves orchidées de la mer ? Comme tant de créatures du règne animal et du règne végétal, comme la plante qui produirait la vanille, mais qui, parce que, chez elle, l'organe mâle est séparé par une cloison de l'organe femelle, demeure stérile si les oiseaux-mouches ou certaines petites abeilles ne transportent le pollen des unes aux autres ou si l'homme ne les féconde artificiellement, M. de Charlus (et ici le mot fécondation doit être pris au sens moral, puisqu'au sens physique l'union du mâle avec le mâle est stérile, mais il n'est pas indifférent qu'un individu puisse rencontrer le seul plaisir qu'il est susceptible de goûter, et « qu'ici-bas tout être » puisse donner à quelqu'un « sa musique, sa flamme ou son parfum »), M. de Charlus était de ces hommes qui peuvent être appelés exceptionnels, parce que, si nombreux soient-ils, la satisfaction, si facile chez d'autres de leurs besoins sexuels, dépend de la coïncidence de trop de conditions, et trop difficiles à rencontrer. Sodome et Gomorrhe
This week-end I was giving a lecture to promote my book "Les douze dîners de Marcel Proust". When it was over, among questions, a very old man (95) told me that he gave up finishing In Search of Lost Time, just before the last volume Time Regained, in retaliation of Proust for having described homosexuality in disgusting terms, making fun of his friend/rival, Robert de Montesquiou, through the Charlus character. This old teacher, who happened to be an erudite, admitted that his life as an homosexual had been very difficult and that Proust had been bad mouthing them. "You are wrong, I told him, Proust makes fun of bourgeois, aristocrats, Jews, snobs, everybody, but he also displays a great tenderness for all his characters and their humanity." "You should re-read the beginning of Cities on the Plain. He promised he would.