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J'ai passé une mauvaise nuit: James, de retour d'un concert de rock, m'a réveillée; il avait le nez en sang et voulait que je lui mette un pansement. Il venait d'être agressé, alors qu'il pissait tranquillement entre deux voitures, par une "racaille" qui le traita de "crasseux", et fit suivre l'insulte d'un uppercut, après que James se fût interrompu et excusé. Mais James est bagarreur: il se précipite sur son adversaire, au cri guerrier de: "You little piece of shit...", "Oh, toi et ton Anglais!". Empoignade, le bras de James s'enroule autour du col de l'autre; les corps roulent à terre. L'intervention des témoins neutralise la rouée de coups, délivrée par la rock star en colère. Un témoin donne des mouchoirs en papier pour éponger le sang de la blessure: "C'est ça la vie à Paris!" Et une cicatrice sur le visage d'un rocker, ça lui donne de l'authenticité.
À ce moment, je vis Saint-Loup lever son bras verticalement au-dessus de sa tête comme s'il avait fait signe à quelqu'un que je ne voyais pas, ou comme un chef d'orchestre, et en effet – sans plus de transition que, sur un simple geste d'archet, dans une symphonie ou un ballet, des rythmes violents succèdent à un gracieux andante – après les paroles courtoises qu'il venait de dire, il abattit sa main, en une gifle retentissante, sur la joue du journaliste. Maintenant qu'aux conversations cadencées des diplomates, aux arts riants de la paix, avait succédé l'élan furieux de la guerre, les coups appelant les coups, je n'eusse pas été trop étonné de voir les adversaires baignant dans leur sang. Mais ce que je ne pouvais pas comprendre (comme les personnes qui trouvent que ce n'est pas de jeu que survienne une guerre entre deux pays quand il n'a encore été question que d'une rectification de frontière, ou la mort d'un malade alors qu'il n'était question que d'une grosseur du foie), c'était comment Saint-Loup avait pu faire suivre ces paroles qui appréciaient une nuance d'amabilité, d'un geste qui ne sortait nullement d'elles, qu'elles n'annonçaient pas, le geste de ce bras levé non seulement au mépris du droit des gens, mais du principe de causalité, en une génération spontanée de colère, ce geste créé ex nihilo. Heureusement le journaliste qui, trébuchant sous la violence du coup, avait pâli et hésité un instant ne riposta pas. Quant à ses amis, l'un avait aussitôt détourné la tête en regardant avec attention du côté des coulisses quelqu'un qui évidemment ne s'y trouvait pas ; le second fit semblant qu'un grain de poussière lui était entré dans l'oeil et se mit à pincer sa paupière en faisant des grimaces de souffrance ; pour le troisième, il s'était élancé en s'écriant : – Mon Dieu, je crois qu'on va lever le rideau, nous n'aurons pas nos places. Le côté de Guermantes
What a bad night, I have been awakened by James, returning from a rock concert. His nose was bleeding and he wanted me to put a bandaid on it. He had been agressed by a thug, while he was pissing between 2 cars: "Dirty little prick". Apologies not accepted, his adversary sends an uppercut. But James loves to fistfight and with his arm around his agressor's neck, he starts hitting him. Witnesses interrompted the scene, and gave James some tissues, as they said: "That's life in Paris!". And a scar on a rocker's nose, that is a sign of authenticity!