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Hier Jules m'a lu à voix haute la biographie de La Rochefoucauld, en introduction des célèbres Maximes (une de mes favorites: "Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui"). Sa vie de courtisan comploteur batailleur et homme de lettres m'a fait penser à toute la fascination du narrateur pour tout ce qui est généalogie nobiliaire, et ses implications au niveau protocolaire (désir d'un tabouret à la table de la reine...). Avant d'hériter du titre de duc de la Rochefoucauld à la mort de son père, il était appelé prince de Marcillac.
Mme Verdurin demanda à l'oreille de son mari : « Est-ce que je donne le bras au baron de Charlus ? Comme tu auras à ta droite Mme de Cambremer, on aurait pu croiser les politesses. – Non, dit M. Verdurin, puisque l'autre est plus élevé en grade (voulant dire que M. de Cambremer était marquis, M. de Charlus est en somme son inférieur. – Eh bien, je le mettrai à côté de la princesse. » [...) – Qu'alliez-vous me dire ? » interrompit M. de Charlus, qui commençait à être rassuré sur ce que voulait signifier M. Verdurin, mais qui préférait qu'il criât moins haut ces paroles à double sens. « Nous vous avons mis seulement à gauche », répondit M. Verdurin. M. de Charlus, avec un sourire compréhensif, bonhomme et insolent, répondit : « Mais voyons ! Cela n'a aucune importance, ici ! » Et il eut un petit rire qui lui était spécial – un rire qui lui venait probablement de quelque grand'mère bavaroise ou lorraine, qui le tenait elle-même, tout identique, d'une aïeule, de sorte qu'il sonnait ainsi, inchangé, depuis pas mal de siècles, dans de vieilles petites cours de l'Europe, et qu'on goûtait sa qualité précieuse comme celle de certains instruments anciens devenus rarissimes. Il y a des moments où, pour peindre complètement quelqu'un, il faudrait que l'imitation phonétique se joignît à la description, et celle du personnage que faisait M. de Charlus risque d'être incomplète par le manque de ce petit rire si fin, si léger, comme certaines oeuvres de Bach ne sont jamais rendues exactement parce que les orchestres manquent de ces « petites trompettes » au son si particulier, pour lesquelles l'auteur a écrit telle ou telle partie. « Mais, expliqua M. Verdurin, blessé, c'est à dessein. Je n'attache aucune importance aux titres de noblesse, ajouta-t-il, avec ce sourire dédaigneux que j'ai vu tant de personnes que j'ai connues, à l'encontre de ma grand'mère et de ma mère, avoir pour toutes les choses qu'elles ne possèdent pas, devant ceux qui ainsi, pensent-ils, ne pourront pas se faire, à l'aide d'elles, une supériorité sur eux. Mais enfin puisqu'il y avait justement M. de Cambremer et qu'il est marquis, comme vous n'êtes que baron... – Permettez, répondit M. de Charlus, avec un air de hauteur, à M. Verdurin étonné, je suis aussi duc de Brabant, damoiseau de Montargis, prince d'Oléron, de Carency, de Viazeggio et des Dunes. D'ailleurs, cela ne fait absolument rien. Ne vous tourmentez pas, ajouta-t-il en reprenant son fin sourire, qui s'épanouit sur ces derniers mots : J'ai tout de suite vu que vous n'aviez pas l'habitude. Sodome et Gomorrhe
Yesterday Jules read aloud the biography of La Rochefoucauld, in introduction to his famous Maximes. His busy life at Louis XIII and then LouisXIV court, his plots, revolts, battles and as a man of letters made me think of the narrator's fascination for noble genealogy and its protocolar implications . Before becoming Duc de la Rochefoucauld at his father's death, he was called prince de Marcillac.