Je n'ai jamais aimé mon anniversaire, sauf l'année de mes 8 ans, à Saint-Palais-sur-mer, où je voulais absolument que l'on m'offre une vue photographique en couleurs de la plage, protégée par un verre bombé fait de plastique transparent, dans un petit cadre rouge ovale, de plastique lui aussi, qui se finissait par une anse en haut du cadre à l'horizontal, qui permettait de l'accrocher. Mes parents ne m'encourageaient pas à choisir une telle oeuvre d'art, mais comme j'en avais rêvé tout le mois de juillet, en attendant le grand jour où j'espérais recevoir ce magnifique cadeau, mes parents finirent par me donner l'argent nécessaire à l'acquisition de cette première oeuvre d'art (la dernière de la série).
« Est-ce que tu aurais moins de plaisir si je sortais déjà les livres que ta grand'mère doit te donner pour ta fête ? Pense bien : tu ne seras pas déçu de ne rien avoir après-demain ? » J'étais au contraire enchanté et maman alla chercher un paquet de livres dont je ne pus deviner, à travers le papier qui les enveloppait, que la taille courte et large, mais qui, sous ce premier aspect, pourtant sommaire et voilé, éclipsaient déjà la boîte à couleurs du Jour de l'An et les vers à soie de l'an dernier. C'était la Mare au Diable, François le Champi, la Petite Fadette et les Maîtres Sonneurs. Ma grand'mère, ai-je su depuis, avait d'abord choisi les poésies de Musset, un volume de Rousseau et Indiana ; car si elle jugeait les lectures futiles aussi malsaines que les bonbons et les pâtisseries, elles ne pensait pas que les grands souffles du génie eussent sur l'esprit même d'un enfant une influence plus dangereuse et moins vivifiante que sur son corps le grand air et le vent du large. Mais mon père l'ayant presque traitée de folle en apprenant les livres qu'elle voulait me donner, elle était retournée elle-même à Jouy-le-Vicomte chez le libraire pour que je ne risquasse pas de ne pas avoir mon cadeau (c'était un jour brûlant et elle était rentrée si souffrante que le médecin avait averti ma mère de ne pas la laisser se fatiguer ainsi) et elle s'était rabattue sur les quatre romans champêtres de George Sand. « Ma fille, disait-elle à maman, je ne pourrais me décider à donner à cet enfant quelque chose de mal écrit. » En réalité, elle ne se résignait jamais à rien acheter dont on ne pût tirer un profit intellectuel, et surtout celui que nous procurent les belles choses en nous apprenant à chercher notre plaisir ailleurs que dans les satisfactions du bien-être et de la vanité. Du côté de chez Swann
I never liked my birthday, except the year I turned 8, on the atlantic French coast, where I had discovered in a souvenir shop and coveted all July, a photograph of the beach, in colors, protected by a transparent plastic dome with a red oval plastic frame. My parents resisted to this desire of that piece of art but in the end they gave me the money to buy my first piece of art (first and last piece of that type).