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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Moving deck chairs on the Titanic: excellente expression

Publié le 2 Avril 2014 par proust pour tous

Moving deck chairs on the Titanic: excellente expression

Comme je cherchai un code perdu dans mes vieux agendas, le temps passé à vitesse grand v m'a sauté à la figure, une bouffée de panique, et cette impression me rappela ce pauvre spectateur à Philadelphie, lors d'une de mes premières conférences, qui vint me voir en fin d'exposé, l'air hagard: "Marcel Proust a-t-il trouvé la solution au temps qui passe?" Proust avait-il eu plus de chance que moi dans la recherche de ce code?

Une image offerte par la vie nous apporte en réalité, à ce moment-là, des sensations multiples et différentes. La vue, par exemple, de la couverture d'un livre déjà lu a tissé dans les caractères de son titre les rayons de lune d'une lointaine nuit d'été. Le goût du café au lait matinal nous apporte cette vague espérance d'un beau temps qui jadis si souvent, pendant que nous le buvions dans un bol de porcelaine blanche, crémeuse et plissée, qui semblait du lait durci, se mit à nous sourire dans la claire incertitude du petit jour. Une heure n'est pas qu'une heure, c'est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats. Ce que nous appelons la réalité est un certain rapport entre ces sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément – rapport que supprime une simple vision cinématographique, laquelle s'éloigne par là d'autant plus du vrai qu'elle prétend se borner à lui – rapport unique que l'écrivain doit retrouver pour en enchaîner à jamais dans sa phrase les deux termes différents. On peut faire se succéder indéfiniment dans une description les objets qui figuraient dans le lieu décrit, la vérité ne commencera qu'au moment où l'écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l'art à celui qu'est le rapport unique de la loi causale dans le monde de la science, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d'un beau style, ou même, ainsi que la vie, quand, en rapprochant une qualité commune à deux sensations, il dégagera leur essence en les réunissant l'une et l'autre, pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore, et les enchaînera par le lien indescriptible d'une alliance de mots. Le Temps retrouvé

As I was searching in my old calendars a lost password, the time spent since with frightful speed jumped at my consciousness, a burst of panic, and this feeling reminded me of that spectator after one of my first Proust lecture, in Philadelphia, who came to me, crazed, to ask if Marcel Proust had found the solution of time going too fast? in a word he was, too, looking for a password.

A picture of life brings with it multiple and varied sensations. The sight, for instance, of the cover of a book which has been read spins from the character of its title the moonbeams of a distant summer-night. The taste of our morning coffee brings us that vague hope of a fine day which formerly so often smiled at us in the unsettled dawn from a fluted bowl of porcelain which seemed like hardened milk. An hour is not merely an hour, it is a vase filled with perfumes, with sounds, with projects, with climates. What we call reality is a relation between those sensations and those memories which simultaneously encircle us — a relation which a cinematographic vision destroys because its form separates it from the truth to which it pretends to limit itself — that unique relation which the writer must discover in order that he may link two different states of being together for ever in a phrase. In describing objects one can make those which figure in a particular place succeed each other indefinitely; the truth will only begin to emerge from the moment that the writer takes two different objects, posits their relationship, the analogue in the world of art to the only relationship of causal law in the world of science, and encloses it within the circle of fine style. In this, as in life, he fuses a quality common to two sensations, extracts their essence and in order to withdraw them from the contingencies of time, unites them in a metaphor, thus chaining them together with the indefinable bond of a verbal alliance. Time Regained
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