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  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Persiflage et esprit de coterie; Mockery and coterie

Publié le 17 Mars 2014 par proust pour tous

La maladie française, persiflage et esprit qui se veut original, finit par dégoûter le téléspectateur.

À cause du même besoin maladif de nouveautés arbitraires, si depuis sa jeunesse on plaignait une femme modèle, une vraie sainte, d'avoir été mariée à un coquin, un beau jour Mme de Guermantes affirmait que ce coquin était un homme léger, mais plein de coeur, que la dureté implacable de sa femme avait poussé à de vraies inconséquences. Je savais que ce n'était pas seulement entre les oeuvres, dans la longue série des siècles, mais jusqu'au sein d'une même oeuvre que la critique joue à replonger dans l'ombre ce qui depuis trop longtemps était radieux et à en faire sortir ce qui semblait voué à l'obscurité définitive. Je n'avais pas seulement vu Bellini, Winterhalter, les architectes jésuites, un ébéniste de la Restauration, venir prendre la place de génies qu'on avait dits fatigués simplement parce que les oisifs intellectuels s'en étaient fatigués, comme sont toujours fatigués et changeants les neurasthéniques. J'avais vu préférer en Sainte-Beuve tour à tour le critique et le poète, Musset renié quant à ses vers sauf pour de petites pièces fort insignifiantes. Sans doute certains essayistes ont tort de mettre au-dessus des scènes les plus célèbres du Cid ou de Polyeucte telle tirade du Menteur qui donne, comme un plan ancien, des renseignements sur le Paris de l'époque, mais leur prédilection, justifiée sinon par des motifs de beauté, du moins par un intérêt documentaire, est encore trop rationnelle pour la critique folle. Elle donne tout Molière pour un vers de l'Étourdi, et, même en trouvant le Tristan de Wagner assommant, en sauvera une « jolie note de cor », au moment où passe la chasse. Cette dépravation m'aida à comprendre celle dont faisait preuve Mme de Guermantes quand elle décidait qu'un homme de leur monde reconnu pour un brave coeur, mais sot, était un monstre d'égoïsme, plus fin qu'on ne croyait, qu'un autre connu pour sa générosité pouvait symboliser l'avarice, qu'une bonne mère ne tenait pas à ses enfants, et qu'une femme qu'on croyait vicieuse avait les plus nobles sentiments. Comme gâtées par la nullité de la vie mondaine, l'intelligence et la sensibilité de Mme de Guermantes étaient trop vacillantes pour que le dégoût ne succédât pas assez vite chez elle à l'engouement (quitte à se sentir de nouveau attirée vers le genre d'esprit qu'elle avait tour à tour recherché et délaissé) et pour que le charme qu'elle avait trouvé à un homme de coeur ne se changeât pas, s'il la fréquentait trop, cherchait trop en elle des directions qu'elle était incapable de lui donner, en un agacement qu'elle croyait produit par son admirateur et qui ne l'était que par l'impuissance où on est de trouver du plaisir quand on se contente de le chercher. Le côté de Guermantes II

The French disease, mockery and fake originality, have tired people watching tv talkshows

And from this same morbid need of arbitrary novelties, if from her girlhood everyone had been pitying a model wife, a true saint, for being married to a scoundrel, one fine day Mme. de Guermantes would assert that this scoundrel was perhaps a frivolous man but one with a heart of gold, whom the implacable harshness of his wife had driven to do the most inconsistent things. I knew that it is not only over different works, in the long course of centuries, but over different parts of the same work that criticism plays, thrusting back into the shadow what for too long has been thought brilliant, and making emerge what has appeared to be doomed to permanent obscurity. I had not only seen Bellini, Winterhalter, the Jesuit architects, a Restoration cabinetmaker come to take the place of men of genius who were called ‘worn out,’ simply because they had worn out the lazy minds of the intellectuals, as neurasthenics are always worn out and always changing; I had seen preferred in Sainte-Beuve alternately the critic and the poet, Musset rejected so far as his poetry went save for a few quite unimportant little pieces. No doubt certain essayists are mistaken when they set above the most famous scenes in Le Cid or Polyeucte some speech from Le Menteur which, like an old plan, furnishes information about the Paris of the day, but their predilection, justified if not by considerations of beauty at least by a documentary interest, is still too rational for our criticism run mad. It will barter the whole of Molière for a line from L’Etourdi, and even when it pronounces Wagner’s Tristan a bore will except a ‘charming note on the horns’ at the point where the hunt goes by. This depravation of taste helped me to understand that of which Mme. de Guermantes gave proof when she decided that a man of their world, recognised as a good fellow but a fool, was a monster of egoism, sharper than people thought — that another widely known for his generosity might be the personification of avarice, that a good mother paid no attention to her children, and that a woman generally supposed to be vicious was really actuated by the noblest feelings. As though spoiled by the nullity of life in society, the intelligence and perception of Mme. de Guermantes were too vacillating for disgust not to follow pretty swiftly in the wake of infatuation (leaving her still ready to feel herself attracted afresh by the kind of cleverness which she had in turn sought out and abandoned) and for the charm which she had felt in some warm-hearted man not to change, if he came too often to see her, sought too freely from her directions which she was incapable of giving him, into an irritation which she believed to be produced by her admirer but which was in fact due to the utter impossibility of finding pleasure when one does nothing else than seek it. The Guermantes Way II
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