Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
  le blog proustpourtous

Les réflexions d'une proustienne sur sa vie, et en quoi elle lui rappelle dans des épisodes du quotidien des passages de "A la recherche du temps perdu"

Amitiée déçue; Disappointing friendship

Publié le 15 Mars 2014 par proust pour tous

Amitiée déçue; Disappointing friendship

Je viens d'être très déçue par une amie qui était censée m'aider dans mon travail d'édition. Mais comme elle n'a pas pu obtenir la position qu'elle escomptait, elle s'est retranchée derrière des arguments fallacieux pour ne pas honorer ce qu'elle m'avait promis sans équivoque. Je ne lui en veux pas, car je comprends la trahison, moi-même ayant quitté ma famille pour suivre ma passion-du-jour (mon mari américain), maints amis lorsque j'ai déménagé de Paris à Boston, de Boston à Darien, de Darien à Paris... ou plus récemment une fidèle qui m'avait trouvé mon poste actuel de pharmacien dans son laboratoire, mais que, pour "sauver mes enfants", j'ai conservé alors qu'elle partait avec fracas et aurait aimé que je la suivasse. Simplement, comme disait mon père "Je l'ai rayée de mes tablettes", comme j'ai été rayée des tablettes de l'amie pharmacienne. Et je me dis que la vie va bientôt me trahir, comme elle trahit tout le monde et que, en attendant, la plus grande sagesse c'est aimer être seul.

J’ai dit (et précisément c’était, à Balbec, Robert de Saint–Loup qui m’avait, bien malgré lui, aidé à en prendre conscience) ce que je pense de l’amitié: à savoir qu’elle est si peu de chose que j’ai peine à comprendre que des hommes de quelque génie, et par exemple un Nietzsche, aient eu la naïveté de lui attribuer une certaine valeur intellectuelle et en conséquence de se refuser à des amitiés auxquelles l’estime intellectuelle n’eût pas été liée. Oui, cela m’a toujours été un étonnement de voir qu’un homme qui poussait la sincérité avec lui-même jusqu’à se détacher, par scrupule de conscience, de la musique de Wagner, se soit imaginé que la vérité peut se réaliser dans ce mode d’expression par nature confus et inadéquat que sont, en général, des actions et, en particulier, des amitiés, et qu’il puisse y avoir une signification quelconque dans le fait de quitter son travail pour aller voir un ami et pleurer avec lui en apprenant la fausse nouvelle de l’incendie du Louvre. J’en étais arrivé, à Balbec, à trouver le plaisir de jouer avec des jeunes filles moins funeste à la vie spirituelle, à laquelle du moins il reste étranger, que l’amitié dont tout l’effort est de nous faire sacrifier la partie seule réelle et incommunicable (autrement que par le moyen de l’art) de nous-même, à un moi superficiel, qui ne trouve pas comme l’autre de joie en lui-même, mais trouve un attendrissement confus à se sentir soutenu sur des étais extérieurs, hospitalisé dans une individualité étrangère, où, heureux de la protection qu’on lui donne, il fait rayonner son bien-être en approbation et s’émerveille de qualités qu’il appellerait défauts et chercherait à corriger chez soi-même. D’ailleurs les contempteurs de l’amitié peuvent, sans illusions et non sans remords, être les meilleurs amis du monde, de même qu’un artiste portant en lui un chef-d’oeuvre et qui sent que son devoir serait de vivre pour travailler, malgré cela, pour ne pas paraître ou risquer d’être égoïste, donne sa vie pour une cause inutile, et la donne d’autant plus bravement que les raisons pour lesquelles il eût préféré ne pas la donner étaient des raisons désintéressées. Mais quelle que fût mon opinion sur l’amitié, même pour ne parler que du plaisir qu’elle me procurait, d’une qualité si médiocre qu’elle ressemblait à quelque chose d’intermédiaire entre la fatigue et l’ennui, il n’est breuvage si funeste qui ne puisse à certaines heures devenir précieux et réconfortant en nous apportant le coup de fouet qui nous était nécessaire, la chaleur que nous ne pouvons pas trouver en nous-même. Le côté de Guermantes, II,I

I have just been disappointed by a friend who had professed to do anything to help me in my publishing work. However, having not gotten what she expected, she renaged on a promise made to me. I don't blame her, for I understand betrayal, myself haveng left my family to follow my passion-du-jour (a American husband), many friends when I left Paris for Boston, and Boston for Darien, and Darien for Paris... or more recently a faithful who had found my current position of in a pharmaceutical company, that, "to save my children", I kept when she left the company in bad terms and was expecting that I would follow her. Very simply, as my father usedto say "I erased her from my tablets", as I have been erased from the faithful's tablets. And I say to myself that life will soon betray me, as it betrays everyone, and that, in the meantime, to be wise, better learn lo love solitude.

I have already said (as a matter of fact, it was Robert himself who, at Balbec, had helped me, quite without meaning it, to arrive at this conclusion) what I think about friendship: to wit that it is so small a thing that I find it hard to understand how men with some claim to genius — Nietzsche, for instance — can have been such simpletons as to ascribe to it a certain intellectual value, and consequently to deny themselves friendships in which intellectual esteem would have no part. Yes, it has always been a surprise to me to find a man who carried sincerity towards himself to so high a pitch as to cut himself off, by a scruple of conscience, from Wagner’s music, imagining that the truth could ever be attained by the mode of expression, naturally vague and inadequate, which our actions in general and acts of friendship in particular furnish, or that there could be any kind of significance in the fact of one’s leaving one’s work to go and see a friend and shed tears with him on hearing the false report that the Louvre was burned. I had got so far, at Balbec, as to find that the pleasure of playing with a troop of girls is less destructive of the spiritual life, to which at least it remains alien, than friendship, the whole effort of which is directed towards making us sacrifice the one real and (save by the channel of art) incommunicable part of ourself to a superficial self which finds — not, like the other, any joy in itself, but rather a vague, sentimental attraction in the feeling that it is being supported by external props, hospitably entertained by a strange personality, through which, happy in the protection that is afforded it there, it makes its own comfort radiate in warm approval, and marvels at qualities which it would denounce as faults and seek to correct in itself. Moreover the scorners of friendship can, without illusion and not without remorse, be the finest friends in the world, just as an artist carrying in his brain a masterpiece and feeling that his duty is rather to live and carry on his work, nevertheless, so as not to be thought or to run the risk of actually being selfish, gives his life for a vain cause, and gives it all the more gallantly in that the reasons for which he would have preferred not to give it were disinterested. But whatever might be my opinion of friendship, to mention only the pleasure that it procured me, of a quality so mediocre as to be like something halfway between physical exhaustion and mental boredom, there is no brew so deadly that it cannot at certain moments, become precious and invigorating by giving us just the stimulus that was necessary, the warmth that we cannot generate in ourselves. The Guermantes Way, II, I
Commenter cet article