Huguetta m'a invitée aux Ateliers Berthier (filiale de l'Odéon) à la représentation de Platonov de Tchekhov, en me prévenant que le spectacle durerait plus de 4 h, aÏe aïe aÏe! J'avais raison de craindre des longueurs, la pièce, écrite par un Tchekhov de 18 ans ai-je appris depuis à mon grand soulagement, n'était qu'une seule interminable longueur, malgré l'énergie des jeunes comédiens qui avaient comme premier mérite d'être très nombreux sur scène (une trentaine) et qui faisaient de leur mieux pour convaincre le public que Tchekhov allait devenir un grand dramaturge; le héros allant jusqu'à déclamer une scène sans doute cruciale entièrement nu pendant une bonne dizaine de minutes (ça me rappelle Florence qui lors d'un opéra de Wagner joué à la Bastille avait été outrée/amusée par la présence autour de la scène d'une belle brochette de gardes, nus avec leur hallebarde, et parmi lesquels on pouvait remarquer que l'un d'eux bandait!)
A l'entr' acte je n'ai pas osé partir et laisser mon amie, mais quand nous avons regagné nos places nous avons remarqué de nombreux sièges vides dans une salle bondée au premier acte; ça m'a rassurée. Et après une première partie témoin d'une fête russe censée combattre l'ennui (celui des protagonistes, pas des spectateurs), j'ai pu apprécier une seconde partie digne du plus grand guignol.
L'annonce d'une poésie que presque tout le monde connaissait avait fait plaisir. Mais quand on avait vu Rachel, avant de commencer, chercher partout des yeux d'un air égaré, lever les mains d'un air suppliant et pousser comme un gémissement à chaque mot, chacun se sentit gêné, presque choqué de cette exhibition de sentiments. Personne ne s'était dit que réciter des vers pouvait être quelque chose comme cela. Peu à peu on s'habitue, c'est-à-dire qu'on oublie la première sensation de malaise, on dégage ce qui est bien, on compare dans son esprit diverses manières de réciter, pour se dire : ceci c'est mieux, ceci moins bien. La première fois de même, dans une cause simple, lorsqu'on voit un avocat s'avancer, lever en l'air un bras d'où retombe la toge, commencer d'un ton menaçant, on n'ose pas regarder les voisins. Car on se figure que c'est grotesque, mais, après tout, c'est peut-être magnifique et on attend d'être fixé. Tout le monde se regardait, ne sachant trop quelle tête faire ; quelques jeunesses mal élevées étouffèrent un fou rire ; chacun jetait à la dérobée sur son voisin le regard furtif que dans les repas élégants, quand on a auprès de soi un instrument nouveau, fourchette à homard, râpe à sucre, etc., dont on ne connaît pas le but et le maniement, on attache sur un convive plus autorisé qui, espère-t-on, s'en servira avant vous et vous donnera ainsi la possibilité de l'imiter. Ainsi fait-on encore quand quelqu'un cite un vers qu'on ignore mais qu'on veut avoir l'air de connaître et à qui, comme en cédant le pas devant une porte, on laisse à un plus instruit, comme une faveur, le plaisir de dire de qui il est. Tel, en entendant l'actrice, chacun attendait, la tête baissée et l'oeil investigateur, que d'autres prissent l'initiative de rire ou de critiquer, ou de pleurer ou d'applaudir. Le Temps retrouvé
Last week, Huguetta invited me to a performance Platonov by Tchekhov, after having warned me that the play was lasting about 4 hours. I feared that this length would put me off, and sure it did. I learned since that Tchekhov wrote that play at 18, and it showed, it seemed almost like an highschool play. The actors, very young and dynamic, about 30 of them on stage, tried acting in order to convince the public that Tchekhov could become a great playwright, the hero, in his enthousiasm, spending a major scene entirely naked (which reminded me of Florence who attended a Wagner opera, in Paris last year, where a bunch of guards were only wearing their spears, and among them one had a hard-on!) During the intermission I was tempted to leave but stayed for my friend. I was relieved when I noticed that in the theater many seats were empty when full during the first part of the show..