peinture de Pierre Gagnon
Au moment où des millions d'Américains se préparent au fameux repas de Thanksgiving, dont j'ai fait mes choux gras (ou plutôt mes patates douces) pendant toutes mes années aux USA, une pensée pour les "sales bêtes" sacrifiées pour le bonheur des "pilgrims" modernes:
Françoise, n’étant plus aidée, était en retard. Quand je fus en bas, elle était en train, dans l’arrière-cuisine qui donnait sur la basse-cour, de tuer un poulet qui, par sa résistance désespérée et bien naturelle, mais accompagnée par Françoise hors d’elle, tandis qu’elle cherchait à lui fendre le cou sous l’oreille, des cris de «sale bête! sale bête!», mettait la sainte douceur et l’onction de notre servante un peu moins en lumière qu’il n’eût fait, au dîner du lendemain, par sa peau brodée d’or comme une chasuble et son jus précieux égoutté d’un ciboire. Quand il fut mort, Françoise recueillit le sang qui coulait sans noyer sa rancune, eut encore un sursaut de colère, et regardant le cadavre de son ennemi, dit une dernière fois: «Sale bête!» Je remontai tout tremblant; j’aurais voulu qu’on mît Françoise tout de suite à la porte. Mais qui m’eût fait des boules aussi chaudes, du café aussi parfumé, et même . . . ces poulets? . . . Du côté de chez Swann
When millions of Americans are getting ready for Thanksgiving dinner, that I enjoyed so much during my days in the US, a thought for the "filthy creatures" sacrified for the benefit of modern pilgrims: